Le Chant des Gaston : Retour aux sources
Avec les souvenirs ou dans le concret du quotidien, Le Chant des Gaston, première création solo de Céline Bonnier, explore les résonances du deuil.
Après la mort du père, six frères et soeurs se retrouvent dans la maison familiale et, par conséquent, face à un malaise qui montre que, malgré un passé commun, il y a maintenant plus de choses pour les séparer que pour les réunir. Le Chant des Gaston se déroule sur un territoire très proche de celui que connaissent ses personnages: un lieu entre le vouloir-dire et le dire, un lieu où se palpe une tension entre la surface et l’abîme, où règne le malaise.
Dans le choc du deuil, la quasi-totalité des personnages ne semblent pas vouloir pénétrer plus loin que le cadre de porte d’une maison dont la profondeur est insondable. À l’exception du personnage qu’interprète, magnifiquement d’ailleurs, Gérald Gagnon, les protagonistes parlent trop peu de la relation qu’ils avaient avec le disparu (leur père), et de celle qu’ils entretenaient entre eux. La pièce offre donc des tableaux assez autonomes qui présentent des individus, des cellules individuelles; elle aborde, du moins en apparence, de manière assez artificielle, le deuil. Chacun a sa réaction, dont on ne pourrait discuter, mais au-delà de cette étape, on fouille très peu. Ce parti pris fait en sorte que le spectateur reçoit un coup sans en saisir toutes les résonances. Les différents tableaux montrent peu d’évolution narrative, comme il manque peut-être d’interaction entre les comédiens confinés à des monologues déguisés en conversations. Quelques belles trouvailles, tant au niveau scénique qu’au niveau du texte, développent par contre beaucoup, comme les différentes projections tirées de documentaires et cette scène où tous viennent s’excuser face au vide, un passage qui rappelle le simple "maman" du Tout comme elle de Brigitte Haentjens.
Avec cette première pièce, Céline Bonnier jette des bases solides et lance des pistes d’exploration intéressantes. Le sujet, la matière et la langue, comme matériau autant que comme outil, tentent de se frayer un chemin plus éclairé pour mieux dire, au-delà du choc de surface, ce qui ébranle la charpente entière. Mais Le Chant des Gaston semble davantage une prémisse à quelque chose de plus complet, une oeuvre qui attend pour surgir de trouver la forme qui lui conviendra, un tableau dont la maîtrise des formes assurerait le ravissement. À suivre, certainement.
Jusqu’au 27 octobre
À Espace Libre
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Moitié-moitié de Daniel Keene