Daniel Danis : Retour à la terre
Daniel Danis retrouve Gill Champagne, un complice de longue date, pour la création de Terre océane, une pièce où trois personnages masculins apprivoisent l’idée de la mort.
En 1993, le dramaturge Daniel Danis est révélé par Celle-là, sa première pièce. Suivront Cendres de cailloux (1993), Le Chant du Dire-Dire (1998), Le Langue-à-Langue des chiens de roche (2001) et e (2005). Ses pièces ont été jouées au Québec, au Canada, en Écosse, en Irlande, en Belgique, en France et au Mexique. Ces jours-ci, Gill Champagne, qui a revisité presque toutes les pièces de l’auteur saguenéen, a l’honneur de créer Terre océane, la dernière-née. Le spectacle, promis à une belle tournée, est produit par le Théâtre de Quat’Sous, le Théâtre du Trident, la compagnie française Logomotive Théâtre et Arts/Sciences, la compagnie de Danis.
En 2001, France Choinière, directrice du centre de photographies actuelles et des éditions Dazibao, propose à Daniel Danis de publier un texte chez eux. "À l’époque, explique l’auteur, j’allais commencer ma quarantaine. La proposition de Dazibao m’a permis de procéder à une introspection sur l’idée des trois âges d’un homme, à une sorte de mise en abyme de l’être au milieu de sa vie. D’un côté il y a un vieil homme de 70 ans, et de l’autre, un jeune garçon de 10 ans. Entre les deux, on délaisse des portions de notre enfance et de notre adolescence, on fait les deuils de ces choses qu’on ne pourra plus jamais faire." Rapidement, l’écrivain rencontre la notion de paternité. "Ça a commencé à mettre en lien plein de choses, dont l’idée de la paternité. Parce que les hommes, qu’ils soient de vrais pères ou des pères par accoutumance, le deviennent parce qu’ils le décident. Il y a des pères qui ont décidé de ne pas l’être, qui sont absents dans la relation affective avec leur enfant. Devenir père, c’est donc une question de volonté, ça demande de l’effort, il faut mettre en route des mécanismes d’affection et de protection, et ce, même si on n’a pas vécu ça avec notre propre père. Autrement dit, il est possible de briser la chaîne."
Dès les tout premiers balbutiements de Terre océane, il y avait ce désir de livrer la scène à trois hommes. "Dès le début, je me suis dit que ce serait bien d’avoir trois gars sur la scène. Pour prouver qu’on peut se "fictionnaliser", nous, les hommes, dans une mesure affective. C’est comme ça que j’ai imaginé trois personnages qui n’ont pas de liens paternels mais qui ont forcé pour que la vie existe paternellement. Je trouve que ça nous ressemble, à nous, la génération des gars dans la trentaine et la quarantaine."
TRAVERSER L’EPREUVE
Ce qui est à l’oeuvre dans Terre océane, c’est ni plus ni moins que le deuil perçu comme un travail, comme une épreuve à traverser. "C’est le travail du deuil, mais c’est aussi le travail de la vie, précise Danis. Quand on est en présence d’un enfant malade, tout ce qui était si important devient futile, les choses redeviennent simples. On doit trouver une place pour la mort dans nos vies, savoir pratiquer une sorte de rituel du départ."
Gabriel (Sébastien René) a 10 ans. Il est atteint d’un cancer incurable. Sa mère adoptive, incapable de côtoyer l’intolérable maladie de son fils, le renvoie à son père d’adoption, Antoine (Arnaud Aubert), qui ne l’a pas vu depuis une éternité. C’est là que commence la tempête. Tourbillons dans la vie bien établie d’Antoine, déracinement de Gabriel. Par ailleurs, l’oncle Dave (François Clavier), le chaman du fond des bois, les attend dans un refuge éloigné, à l’abri des eaux troubles. Le père et le fils partent rejoindre le vieux sage et sa chienne Florine (Marie Pascale). Ceux-ci les accueillent et les accompagnent dans la tourmente. S’ensuit un long parcours empreint de tendresse dont la destination est inévitable: le départ de Gabriel vers un océan inconnu.
Cette fois encore, Danis accorde une grande importance à la langue, au choix des mots qui portent le récit. Car il s’agit bien d’un récit, d’une parole éminemment littéraire, et pourtant théâtrale. En même temps, l’auteur adopte un minimalisme nouveau, il cède du terrain à l’évocation, donne plus d’espace à la mise en scène. "Gill Champagne, qui est devenu un vrai complice avec les années, a trouvé plaisant de retrouver des éléments du Chant du Dire-Dire, des correspondances avec Cendres de cailloux, mais dans une sorte de simplicité presque rurale. Au début, je trouvais même la pièce un peu larmoyante. Mais en l’entendant sur scène, j’ai senti qu’il y avait une forme qui soutenait tout ça. Terre océane, c’est comme une porte ouverte sur une part de mon travail que je ne connaissais pas."
Jusqu’au 17 novembre
Au Théâtre d’Aujourd’hui
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