Kristian Frédric : Frères d’armes
Kristian Frédric revient à la charge avec Moitié-Moitié, une pièce de l’Australien Daniel Keene sur les liens fraternels et la réconciliation.
Dans Moitié-Moitié, deux demi-frères que vingt ans séparent se retrouvent dans la maison maternelle après dix ans d’absence. Le rétablissement de cette relation interrompue est autant le théâtre de l’amour que celui de la haine, une tentative de faire des fils tendus une boucle. Mais le passé forme un noeud avec le présent, un noeud qui permet aux réponses de frapper peut-être plus fort que les questions.
C’est Denis Lavalou, directeur du Théâtre Complice, qui joue dans la pièce avec Cédric Dorier, qui a apporté le texte de Daniel Keene à Kristian Frédric en lui révélant du coup une dramaturgie qui lui échappait: "Il me l’a donné en me disant que c’était la suite logique de mes deux derniers spectacles, de mon parcours et de ma trilogie caïnique." D’abord surpris par cette intervention de l’acteur et metteur en scène, qui a déjà monté des textes de Daniel Keene, Frédric a finalement compris le sens des propos de Lavalou: "Son regard m’a vraiment fait comprendre ce que je cherchais à travers deux textes différents. Il m’a amené ce Keene, me l’a fait connaître, et là, j’ai vu la suite logique."
Tout partirait de La Nuit juste avant les forêts, cette pièce de Koltès où un homme montre "un besoin effréné de laisser son souvenir en quelqu’un dans ce monde qui est absurde" et où l’on peut nous balayer du jour au lendemain. Ensuite, on passe par Big Shoot, cette pièce de Koffi Kwahulé où "deux frères se retrouvent en se demandant si l’on doit donner la mort", ce à quoi Kwahulé répond non. Avec Moitié-Moitié, Daniel Keene répond quant à lui, comme en écho, dans cette fraternité retrouvée entre deux frères après dix ans d’absence, qu’il est "possible d’enfin trouver la réconciliation."
Avec Keene, qui toujours navigue de manière nuancée sur les eaux tragiques, la réconciliation peut prendre différents visages: "Ce sont deux solitudes, deux êtres profondément blessés qui se retrouvent et qui se réapprennent, et qui vont malgré eux arriver à faire en sorte que quelque chose découle de cette rencontre." Et s’il s’agit de quelque chose d’imprévisible, ils arrivent tout de même à une forme de replâtrage, "qui ne sera pas nécessairement une réconciliation dans le sens normal du terme". Ils vont se retrouver autrement, car ils auront un acte commun.
C’est probablement dans cette tension qu’on pourra le mieux cerner la signature du metteur en scène français Frédric, ancien boxeur amateur, né en France, pour qui le théâtre peut être dangereux, car un acteur ne peut jouer une scène importante, qu’il comprend, sans se rencontrer d’une manière qui parfois bouscule. "Ce texte m’a permis de me réconcilier avec quelque chose de moi-même", raconte-t-il. Et pourtant, n’eut été de Lavalou, il n’aurait jamais pensé à la monter: "C’est une écriture dont je n’ai pas l’habitude, elle me confronte." Tout comme l’auteur australien contemporain a fasciné Lavalou il y a quelques années, Frédric ajoute, admiratif: "On sent que Keene nous emmène immédiatement dans un univers totalement fantasmagorique!"
Du 24 au 27 octobre
À La Nouvelle Scène
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À voir si vous aimez /
Big Shoot de Koffi Kwahulé, Les Muses orphelines de Michel Marc Bouchard