Marie-Hélène Racicot : Jamais sans ma soeur
Scène

Marie-Hélène Racicot : Jamais sans ma soeur

Avec Au-delà du voile, l’écrivain Slimane Benaïssa traite d’intégrisme religieux, de répression et d’inégalité des sexes. Mais pour Marie-Hélène Racicot, qui en assure ces jours-ci la mise en scène, il s’agit avant tout de l’histoire de deux soeurs.

C’est le désordre politique, c’est la pagaille, c’est l’Algérie en 1990. Quand le port du hidjab devient obligatoire, deux soeurs, l’une universitaire et l’autre au foyer, réagissent chacune à sa façon. Révolte ou soumission? Au-delà du voile, présentée dans le cadre du Festival du monde arabe de Montréal (FMA), expose un duel entre deux soeurs, unies par le sang et l’amour fraternel, mais résolument opposées.

"Ce texte propose une situation dramatique super intéressante, soutient Marie-Hélène Racicot, une comédienne qui en est à ses premières armes en matière de mise en scène. Au-delà de l’état d’urgence créé par le chaos politique, social et démographique, j’aime beaucoup la relation entre ces deux soeurs. C’est un rapport qui est peu exploité au théâtre." Voile, pas voile… est-ce là un souci d’engagement sociétal par le théâtre? Pas du tout, répond Racicot: "Je ne me sens pas en mission dénonciatrice, et ce n’est pas un choix féministe non plus. Je crois que je suis bien mal placée pour prendre position par rapport au port du voile, si ce n’est que je suis contre le fait d’imposer quelque chose à autrui. Religion ou pas."

N’empêche que le sujet est tellement dans l’air du temps que le plus grand défi est vraisemblablement de ne pas faire dans le cliché. C’est ce qui a alimenté le processus créateur. Pas question de se terrer dans le folklore ou de faire une imitation de la femme algérienne. Ève Duranceau et Sophie Vaillancourt, qui incarnent les deux soeurs, se sont approprié le texte en le jouant en québécois. "Je ne veux pas que les gens viennent voir le spectacle comme un objet exotique. Ce n’est pas un voyage en Algérie. J’aimerais qu’en sortant de la pièce, ils aient l’impression que nous avons aussi parlé d’eux. Je crois que l’on peut tous se reconnaître dans les deux personnages. On a tous été confrontés un jour ou l’autre à un sentiment d’impuissance et d’injustice, à un besoin de se révolter."

Créée en 1991 à Alger, Au-delà du voile a valu à Slimane Benaïssa menaces de mort et exil en France. L’homme – dont on se souvient le passage au FMA 2006 avec Le 100e nom de Dieu – s’est révélé en tant qu’auteur grâce à cette pièce. Il est maintenant joué partout dans le monde. "J’ai eu la chance de le rencontrer à quelques reprises. C’est quelqu’un qui a le courage de ses opinions, je suis toujours intéressée par les gens qui disent haut et fort les tabous, qui osent provoquer leur société. C’est un homme qui a donné la parole aux femmes de son pays, à un moment de l’histoire où on voulait les faire taire. En ce sens, ce texte est vraiment un beau geste de la part de l’auteur."

Du 28 octobre au 20 novembre
À La Petite Licorne
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