Marijs Boulogne : Art-thérapie
Après un passage en 2006 pour présenter Endless Medication, la Belge Marijs Boulogne est de retour dans la métropole pour dévoiler La Leçon d’anatomie.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Marijs Boulogne a l’art de créer des spectacles atypiques. Dans Endless Medication, elle traitait avec imagination et surréalisme des thèmes de l’extase et de la folie. Avec La Leçon d’anatomie, présentée par le Studio 303, elle aborde le deuil, celui que les mères doivent surmonter lorsque le syndrome de la mort subite vient faucher la vie de leur nourrisson.
Le spectacle met en scène les questionnements d’une mère (Boulogne) dont le poupon est mort-né. Cette femme tient à savoir si l’enfant qu’elle a porté pendant neuf mois était normalement constitué, s’il avait tout pour survivre et s’il a pu goûter la vie, ne serait-ce que quelques secondes. "Elle veut comprendre, elle n’accepte pas la perte et la destruction sans chercher de réponses à ses questions", souligne la créatrice, dans un français aux sonorités flamandes. Ce besoin de compréhension constitue le point de départ d’une exploration physique et intellectuelle sur le deuil. Tout au long de ce laboratoire, la mère – flanquée de son assistante (Julia Clever) – va donc faire l’autopsie de son défunt bébé, observer l’état de santé de chaque organe.
L’intervention médicale est rendue possible grâce à une caméra endoscopique qui parcourt le corps d’une poupée en tissu, créée de A à Z par Boulogne. Il a fallu 11 mois de labeur quotidien à la jeune artiste pour broder de toutes pièces un bébé, incluant la peau et les organes, tels que le placenta et le pancréas. "J’ai beaucoup lu, j’ai regardé des photos et j’ai consulté des médecins et des spécialistes de la santé pour m’assurer que tous les organes en tissu étaient parfaitement reconstitués et identiques aux organes humains." Pour la peau, l’artiste a utilisé des kilomètres de fil à coudre appartenant à sa grand-mère, une grande brodeuse.
L’idée d’un tel spectacle a germé dans la tête de Boulogne il y a sept ans, lorsque l’une de ses amies a perdu son bébé, décédé du syndrome de la mort subite. "Ça m’a choquée de voir à quel point ce sujet était tabou dans notre société moderne. Les mères qui vivent ce drame se sentent souvent seules et isolées parce qu’elles ne reçoivent pas d’aide", déplore-t-elle. Cette oeuvre a donc été imaginée pour aider les mères à accepter la perte d’un enfant mort-né et pour mettre des mots sur leur douleur. D’ailleurs, si Boulogne a écrit le texte et la mise en scène, le spectacle a été réalisé en collaboration avec des mères qui ont vécu ce drame et qui ont évalué le projet à différentes étapes.
Durant l’autopsie, le public peut s’approcher de la table d’opération et même poser des questions aux deux personnages. "Tout le spectacle reste beau et innocent. Le résultat n’est jamais morbide. Je pense qu’avec beaucoup de tendresse, c’est possible d’aborder ce sujet difficile et de consoler celles qui ont vécu cela. La perte de quelqu’un qu’on aime, c’est la plus grande tragédie au monde", conclut Boulogne. En Europe, où elle est jouée depuis trois ans, l’oeuvre connaît un franc succès.
Le 26 octobre, en français, et le 27 octobre, en anglais
Au Studio 303
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