Patric Saucier : Animation 3D
Patric Saucier a vu de potentiels héros de BD dans les personnages de Matroni et moi, une pièce d’Alexis Martin portée à l’écran en 1999. Nouvelle équipe, nouveau regard.
Matroni et moi, c’est d’abord le choc de deux univers, celui de Guylaine, dont le frère Bob travaille pour Matroni, un parrain de la pègre, et celui de Gilles, un intello qui prépare une thèse sur la mort de Dieu. "Donc, un monde complètement différent, constate Patric Saucier. Mais ils incarnent le rêve l’un de l’autre. Elle aimerait avoir son cerveau et lui a toujours rêvé d’une femme avec un corps comme le sien. C’est ce qui rend leur relation crédible, sinon on se demanderait ce qu’ils font ensemble. Matroni et Bob, eux, sont très terre à terre: j’ai besoin d’un char, je vole un char; tu m’énerves, je te tire dans la face. Ils vont au plus simple. Alors que Gilles parle, parle, parle; ça lui prend une page pour demander un verre d’eau. Ce qui fait que sur le plan langagier aussi, les personnages sont en opposition et en complémentarité. On a besoin d’une grande tirade de Gilles à laquelle Matroni répond par un "Sacrament!" pour voir l’humour."
Un côté plus grand que nature, qui l’a d’ailleurs convaincu qu’il pouvait proposer une vision différente de celles mises de l’avant dans la production originale et le film. "Les personnages sont partis de l’improvisation de ceux qui les jouaient, alors ils leur collaient à la peau. Mais en relisant le texte, une autre couche m’est apparue, raconte-t-il. Moi, j’avais envie de voir jusqu’à quel point on pouvait les grossir sans tomber dans la caricature. Il y a quelque chose de très BD dans l’opposition de ces personnages et c’est comme ça que je l’ai traité. Le spectacle est vraiment cartoon: il y a des didascalies qui apparaissent en surexposition, certaines entre-scènes prennent la forme de dessins, le niveau de jeu est inspiré de Bugs Bunny et compagnie, tous les sons sont faits par les comédiens…" Quant à la scénographie, "ce sont des murs très droits, avec des couleurs pures. Il y a un panneau bleu, un rouge… C’est très graphique. Les costumes aussi sont très dessinés. Par exemple, Bob est grand alors son costume le grandit encore plus. J’essaie d’éviter le réalisme; on est dans un univers qui n’est pas le nôtre. Et ces personnages me donnent cette possibilité".
Aussi, comme le spectateur ne pourra jamais être aussi pin-up que Guylaine, aussi verbeux que Gilles ou aussi laconique que Matroni, il se retrouve en quelque sorte "au milieu de ces personnages, au coeur de la situation". Un effet que le metteur en scène a voulu accentuer en faisant de chacun un archétype. "On connaît tous du monde un peu nono; si on pousse une coche plus loin, Bob apparaît. Je devais m’assurer que les comédiens jouent des rôles de composition, qu’ils ne cherchent pas à ce qu’on s’identifie à eux, mais plutôt à ce qu’on s’attache à leurs personnages parce qu’ils sont vrais dans leur fausseté", explique-t-il, avant de remarquer: "C’est très festif, déjanté. Il s’agit d’un univers où tout peut arriver et dans lequel règne une atmosphère carnavalesque." Ainsi entendent-ils nous servir "une grande pinte de rire", du genre qui ne risque pas de nous donner le mal de bloc.
Du 30 octobre au 24 novembre
Au Théâtre de la Bordée
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