Sébastien Guindon : L'inaccessible étoile
Scène

Sébastien Guindon : L’inaccessible étoile

Avec sa nouvelle pièce, Alpha du Centaure, l’équipe d’Orbite Gauche donne dans le théâtre d’anticipation. Rencontre avec Sébastien Guindon, l’un des cinq membres fondateurs de la compagnie.

Avec Chroniques (2003), une pièce-fleuve de plusieurs heures, Orbite Gauche touchait notamment au mélodrame, au burlesque et à l’épique. Dans Enlèvement, séquestration et mise à mort d’un humoriste (2005), la formation se frottait au théâtre pamphlétaire. Écrite et mise en scène par Sébastien Guindon, un des cinq membres fondateurs d’Orbite Gauche, Alpha du Centaure explore pour sa part le destin de nos lointains descendants.

Guindon, visiblement fébrile à l’idée de discuter de son oeuvre, explique que ses collègues et lui ont tout naturellement opté pour le théâtre d’anticipation: "Chroniques parlait du passé, tandis qu’Enlèvement, séquestration et mise à mort d’un humoriste traitait du présent. C’est comme venu naturellement de parler de ce qui vient après." Puis il enchaîne: "Je me questionne sur ce qui attend mes enfants. Est-ce que dans 75 ans, les êtres humains seront classés selon la qualité de leur code génétique? Les préoccupations que j’avais au moment d’écrire le texte, par exemple la question des changements climatiques, reflètent les craintes de la société. Tout cela résonne très fort dans notre psyché collective et ça se retrouve dans le spectacle, même si celui-ci ne se veut pas écologique ou dénonciateur. J’avais envie de voir si je pouvais donner un sens à mes inquiétudes en les projetant plus loin."

TRAGÉDIE FUTURISTE

Les craintes et les interrogations de Guindon ont donné naissance à une proposition théâtrale originale. L’action de la pièce Alpha du Centaure se déroule en 2243, alors que la cité d’Antiopolis est menacée de disparaître sous les flots. Alia Caran, astrophysicienne appartenant aux hautes castes de la société, travaille sur un projet qui doit redonner espoir au peuple. Avec ses collègues, la scientifique va créer une mission qui permettra à un être vivant de traverser la galaxie et de se rendre à l’étoile la plus proche: Alpha du Centaure. Ainsi, pendant que des centaines d’habitants meurent noyés, les hautes sphères s’emploient à trouver la personne qui acceptera de se rendre sur cette étoile, afin de prouver aux citoyens qu’il existe une issue possible.

Par quelle forme théâtrale aborder cette pièce d’anticipation? Le drame? La comédie? La tragédie? "Au théâtre, dès qu’on touche au futur, on le fait généralement avec dérision. L’an dernier, on a travaillé un mois avec les comédiens pour trouver la forme de cette pièce. On a réalisé qu’il fallait, pour que l’histoire soit plausible, que ce soit une tragédie. Les rythmes en anticipation et en tragédie sont extrêmement lents, ce qui permet de discuter des grandes questions." En effet, plusieurs des scènes contenues dans Alpha du Centaure semblent faire écho à la tragédie.

Par exemple, au cours de sa mission d’espoir, Alia Caran devra choisir entre son frère et le bien de la cité. Selon l’auteur, une question revient dans tout le spectacle: "À quel moment les intérêts collectifs doivent-ils supplanter les intérêts personnels?" Autre clin d’oeil à la tragédie grecque: la présence de choeurs. "Le choeur représente la voix du peuple, explique Guindon. Il exprime les peurs, les doutes, les moments de beauté et les états d’âme des personnages principaux. C’est un spectacle que j’ai voulu le plus simple possible et où la voix humaine a le plus d’importance. Le travail de Natasha Poirier, la directrice du choeur, représente 50 % du spectacle en termes de théâtralité." Les grandes questions de l’avenir, incarnées dans l’une des plus anciennes formes de théâtre. Ça promet!

Du 30 octobre au 17 novembre
À l’Union Française
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