Turcs gobeurs d’opium : Condiments et hallucinogènes
Les Turcs gobeurs d’opium incarnent la relève théâtrale en région. Entretien avec des pourris de talents.
C’est une année de vaches maigres pour les Turcs gobeurs d’opium, car le balancier a basculé pour ce collectif théâtral de Sherbrooke. La troupe joue dans la cour des grands. Elle n’est plus admissible aux subventions de projets jeunesse, mais le milieu théâtral a reconnu son professionnalisme. Le défi est maintenant d’avoir sa part du gâteau qui finance le théâtre d’ici.
Les membres des Turcs gobeurs d’opium sont des disciples du do it yourself et ça leur réussit. Ils ont su intéresser un public que les autres troupes avaient de la difficulté à rejoindre. Les adolescents et les jeunes adultes trouvent leur compte avec les productions des Turcs. "Au départ, on a touché un public sans s’en rendre compte. Après les spectacles, les plus vieux essaient d’analyser alors que pour les jeunes, tout est une question de feeling. Ils ont une réaction moins intellectualisée, une réaction de corps, raconte Alexandre Leclerc. Plusieurs ont souvent une fausse idée de ce qu’est le théâtre. Dans nos shows, on brasse la cage; il y a un petit côté violent. Ils voient des films, les adolescents; ils ont l’habitude de se faire brasser."
En 2004, les Turcs gobeurs d’opium mettaient leur pied dans l’embrasure de la porte du théâtre professionnel avec La Leçon d’Eugène Ionesco. Cette production a marqué l’inconscient de plusieurs amateurs de théâtre des Cantons de l’Est. Ils récidivaient en 2005 avec Les Bâtisseurs d’empire de Boris Vian. Cette imposante production a servi de pivot: il leur fallait du "sur mesure", un texte qui leur correspond. "Ce n’est pas de la prétention que de savoir ce qu’on veut, ce qu’on fait. Nous, on veut raconter une histoire. Ça doit coller à notre réalité, à notre génération." André Gélineau s’est donc attablé afin d’écrire la toute première création de la troupe, Bazooka, une pièce apocalyptique et tourmentée. Ce fut leur grand succès de 2006; une autre pierre à l’édifice de la reconnaissance.
ROUGE KETCHUP
Cette année, André Gélineau a écrit kETchup, un "thriller burlesque de science-fiction". Alors que Bazooka était principalement narrée, kETchup est une pièce ponctuée de flashbacks. "C’est un show que j’ai écrit en riant. Ça coulait. La vibe était plus sympathique cette fois", relate André. Pour lui, le comique de cette pièce réside dans les personnages. Ce ne sont pas des clowns, mais ils ont un fond risible. "Un peu comme dans les films des frères Coen ou de Jim Jarmusch. Les personnages ont toujours une dimension supplémentaire." Toutefois, le propos de base de kETchup s’annonce plutôt lourd. "J’ai l’impression que le thème de fond, c’est la façon dont l’enfance est parfois assassinée. La pièce est plus là-dessus que je pensais à l’origine."
Dès le départ, une chose était sûre pour André Gélineau: cette année, il allait défendre sa pièce en tant que comédien. Ainsi, celui qui a fait la mise en scène des trois premiers spectacles de la troupe se retrouve avec un premier rôle. C’est le scénario inverse pour Alexandre Leclerc qui, en plus d’avoir un petit rôle dans la pièce de cette année, se retrouve metteur en scène. Il est assisté de Véronique Laroche, qui joue également dans la pièce. "On se met en danger et on compte bien le refaire l’an prochain", explique Alexandre. L’équipe de comédiens est complétée par Marianne Roy, Marie-Claude Élias et Simon Vincent.
La musique a toujours joué un rôle important dans les productions des Turcs gobeurs d’opium. Chaque année, la troupe s’associe avec un musicien de la région. Pour kETchup, Jacques-Philippe Lemieux-Leblanc, du groupe The Banjo Consorsium, a concocté une véritable symphonie qu’il interprète live à chaque représentation.
Avec kETchup, la troupe a atteint un bon équilibre. André le confirme: "Ça se ressent en répétition et c’est bon signe pour le futur. Bien sûr, il y a des moments de tension, mais tout est drainé positivement. Réussir alors qu’on est tous des amis, c’est très cool, car la merde peut pogner. Dans les Turcs, tout le monde a sa place, tout le monde est créateur."
Les 26 et 27 octobre et les 1er, 2 et 3 novembre à 20h
À la salle Desjardins du Théâtre Léonard-St-Laurent
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Les autres productions des Turcs gobeurs d’opium
La musique du groupe The Banjo Consorsium