Le Baiser de la veuve : Charge émotive
Scène

Le Baiser de la veuve : Charge émotive

Le Théâtre À qui mieux mieux reprend Le Baiser de la veuve d’Israël Horovitz, un corps à corps troublant et percutant entre trois personnages meurtris par la vie.

En 2005, les comédiens Antoine Bertrand et Marc-François Blondin, ainsi que la directrice de production Geneviève Lessard, ont fondé le Théâtre À qui mieux mieux afin de produire Le Baiser de la veuve. Deux ans plus tard, la tension dramatique inouïe de cette pièce mise en scène par Mario Borges revient ébranler le public montréalais.

Dans un petit village perdu et anonyme, Benoît (Antoine Bertrand) et Kevin (Marc-François Blondin), deux camarades de jeunesse aujourd’hui dans la trentaine, travaillent dans une usine de recyclage de papier. Peu préoccupé par le boulot, le joyeux tandem tue les heures à coups de blagues salaces et juvéniles. Après plusieurs années d’absence, Élizabeth (Julie Beauchemin), une ancienne copine de classe à qui les deux garçons ont fait vivre de terribles moments il y a 15 ans, est de passage dans les environs pour rendre une dernière visite à son frère mourant et pour exorciser de lointaines et profondes blessures… Écrite à la fin des années 70, cette pièce sur le viol collectif demeure malheureusement d’actualité. La montée dramatique de l’oeuvre est hors du commun. Dès que le personnage d’Élizabeth pénètre sur scène, la tension monte d’un cran jusqu’à ce que les phrases vides et les non-dits explosent pour céder la place à l’authenticité. La mise en scène réaliste et physique de Borges, axée sur le jeu criant de vérité des acteurs, met en lumière cette violence malsaine dans laquelle planent les notions de culpabilité, de honte, de colère, de violence, d’orgueil ou encore de tristesse.

Dans la petite salle de l’Espace Geordie, le spectateur, rivé sur sa chaise, reçoit en plein visage toute la charge émotive des échanges verbaux, habilement adaptés à la québécoise par Marc-François Blondin. Quoique justifiés, les cris et les pleurs, très fréquents, deviennent par moments lourds et oppressants. De plus, la quête d’Élizabeth – s’agit-il d’un besoin de pardonner ou d’une soif de vengeance? – demeure floue, bien qu’elle soit à l’image de celui ou de celle qui souffre, c’est-à-dire fragile et incertaine. Somme toute, il s’agit d’un huis clos coup-de-poing, d’une intéressante réflexion sur les séquelles d’une agression, tant chez la victime que chez le bourreau.

Jusqu’au 3 novembre
À l’Espace Geordie
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