Ronnie Burkett : Seul au monde
Scène

Ronnie Burkett : Seul au monde

Le marionnettiste canadien Ronnie Burkett remise chacun de ses spectacles lorsqu’il juge qu’ils sont à leur meilleur. Coup de chance, il a choisi de donner les dernières représentations de 10 Days on Earth à Montréal.

Depuis que le rideau s’est levé pour la première fois sur les personnages de 10 Days on Earth en 2006, Ronnie Burkett a donné 175 représentations de son dixième spectacle partout dans le monde. S’il s’estime désormais prêt à suspendre pour de bon ses marionnettes, c’est qu’il a le sentiment que le spectacle a suffisamment évolué: "Le soir d’une première, on est toujours un peu à la dernière minute, et on essaie de tout faire en même temps: parler, jouer et manipuler les marionnettes, sans trop réfléchir. Au fil du temps, ce qui était mécanique au début devient automatique. C’est ce qui permet à une pièce de trouver son véritable souffle et, par le fait même, d’évoluer", raconte le créateur d’origine albertaine que plusieurs considèrent comme un génie dans le domaine du théâtre de marionnettes pour adultes.

Après 175 représentations de 10 Days on Earth, Burkett avoue en toute humilité: "J’ai l’impression de maîtriser pleinement l’histoire que je voulais raconter en créant cette pièce. Je mets toujours un terme à une production quand j’ai le sentiment de ne plus pouvoir l’améliorer, c’est pour cette raison que Montréal représente mon dernier arrêt", explique celui qui souhaite ensuite se concentrer sur l’écriture de Billy Twinkle, Requiem for a Golden Boy, son prochain spectacle, dans lequel un marionnettiste au début de la cinquantaine gagne sa vie en travaillant sur des bateaux de croisière.

DANS LES PAS DE DARREL

Le marionnettiste effectuait une tournée en Angleterre il y a quelques années quand 10 Days on Earth a commencé à germer dans sa tête: "Je me trouvais dans un centre commercial quand j’ai remarqué une vieille dame et son fils déficient intellectuel. La vieille dame avait besoin que son fils la soutienne pour marcher, mais ce dernier avait aussi besoin d’elle pour fonctionner. Je me suis demandé ce qu’il adviendrait du fils si sa mère disparaissait avant lui." C’est leur interaction qui est à l’origine du spectacle.

Une fois de retour chez lui, à Toronto, le marionnettiste a fait comme il fait toujours après une absence de plusieurs semaines, c’est-à-dire rattraper le temps perdu en sortant avec ses amis: "Je me souviens très bien, plusieurs d’entre eux affirmaient en s’exclamant à quel point ils se sentaient seuls et sans amour. Ce jour-là, j’ai réalisé que pour se sentir seul, il faut savoir ce qui nous manque, il faut avoir déjà vécu l’amour ou l’amitié." C’est de là qu’est venue la question qui sous-tend tout le spectacle: si un jour on se retrouve seul, mais qu’on ne sait pas que l’on est seul, se sent-on vraiment seul?

Au coeur de 10 Days on Earth, il y a donc Darrel, un déficient intellectuel qui vit avec sa mère. Quand celle-ci meurt, le fils ne réalise pas tout de suite ce qui s’est produit, de sorte qu’il se retrouve seul pendant 10 jours sans vraiment en prendre conscience. Tandis qu’il continue à suivre sa routine quotidienne, qui l’amène jusqu’au kiosque à chaussures où il travaille, le jeune homme converse avec les personnages qu’il rencontre en chemin: un prédicateur qui se prend pour Dieu et une employée de l’Armée du Salut. Parallèlement à cette histoire, le spectacle raconte les aventures du chien Honeydog et du canard Little Burp, les héros du livre préféré de Darrel, qui sont à la recherche d’un foyer. Selon la critique, qui a adoré 10 Days on Earth, Ronnie Burkett ne se contente pas de livrer un touchant conte sur la solitude, il insuffle sa vitalité aux douzaines de marionnettes qu’il a conçues.

Du 8 au 17 novembre
À la Cinquième salle de la Place des Arts

Consultez la page de la Série Cinquième salle sur www.voir.ca/5esalle

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POUR ADULTES SEULEMENT

En 1986, Ronnie Burkett fonde sa compagnie, le Ronnie Burkett Theater of Marionettes, dans le but de redonner aux poupées articulées une place de choix dans le théâtre destiné aux adultes. Au fil des années, l’artiste, qui est à la fois auteur, concepteur et unique acteur de ses pièces, est parvenu à susciter un réel enthousiasme pour son art grâce à des productions comme Tinka’s New Dress, Street of Blood et Happy, qui font partie de la Memory Dress Trilogy. Maintenant qu’il a séduit les adultes, le marionnettiste souhaite les inciter à réfléchir: "Les gens paient pour assister à mes spectacles, alors je dois les divertir, mais je veux aussi susciter une réflexion et créer une véritable connexion entre le spectateur et moi. C’est pour cette raison que j’ai toujours été fasciné par les marionnettes. Elles me permettent de parler de l’humanité à travers des êtres inanimés et de rejoindre les gens."