Francine Alepin : Je est un autre
Scène

Francine Alepin : Je est un autre

Francine Alepin met en scène le retour de Larry Tremblay sur les planches dans le rôle de Léo, auquel il a donné vie dans deux textes publiés à 19 ans d’intervalle: Le Déclic du destin et Le Problème avec moi.

Depuis le temps qu’ils se connaissent et s’apprécient, Francine Alepin et Larry Tremblay n’avaient encore jamais joint leurs talents à la scène. Metteurs en scène, comédiens et enseignants, ils ont pourtant de nombreux points communs, à commencer par leur amour de l’art corporel et leur approche de l’imaginaire en lien avec l’anatomie.

Entre le mime que pratique et enseigne Alepin et le kathakali, danse-théâtre de l’Inde dont Tremblay est devenu spécialiste, il y a une évidente parenté. "Dans les similitudes, on trouve l’articulation des segments corporels, les dynamo-rythmes, les gestes transposés fictifs et certains codes, explique l’artiste-pédagogue qui est aussi une analyste du mouvement. C’est sûr que les gestes codés n’ont pas un sens aussi précis en mime qu’en kathakali mais ils se rapprochent dans les jeux de bras, de torse, de tête et de jambes et c’est de la danse théâtrale."

Si le mime corporel et le kathakali colorent naturellement les accents gestuels des deux textes mis en scène, leur présence demeure très discrète. Respectueuse de la richesse, de la poésie et de la densité des oeuvres littéraires, la metteure en scène a tout fait pour laisser parler le texte. L’environnement scénographique d’Anick La Bissonnière n’a rien de superflu, la trame sonore de Jean-Frédéric Messier ne fait que ponctuer certains passages, et la partition gestuelle se joue tout en finesse. "C’est une partition assez complexe, proche d’une synthétisation du geste quotidien d’une grande précision, commente Alepin. On a passé beaucoup de temps à un raffinement causal des actions qui sont quotidiennes mais faites de manière fictive."

L’AUTRE EN SOI

Facilement réunis en une seule et même pièce, Le Déclic du destin et Le Problème avec moi sont une représentation métaphorique et surréaliste de l’aventure existentielle vécue par le personnage de Léo par le biais de son corps. Dans un premier temps, il traverse la terrible expérience de la désagrégation, faisant face à la perte d’une dent, d’un index, de sa langue et même de sa tête. Écrit par Tremblay à l’âge de 18 ans, ce soliloque a été adapté pour être joué à deux. C’est le comédien Carl Béchard qui incarne l’autre Léo. "On a imaginé deux réalités superposées, deux faces de la même personne dans deux mondes parallèles, raconte Alepin. Donc, les deux Léo se croisent continuellement sans jamais être en contact."

À l’ambiance intérieur nuit de la chambre où se déroule cette première phase, succède une scène extérieur jour où Léo rencontre son clone. "Le Problème avec moi se joue dans un espace latéral très restreint où le personnage ne peut faire autrement que de buter contre lui", poursuit la créatrice. Un soi qu’on ne reconnaît pas et qui nous envahit, un soi dont on se coupe et qui nous fait défaut. Chacun de nous devrait pouvoir trouver une résonance dans cette expression particulière de la quête identitaire, un thème qui est au coeur de l’oeuvre de Tremblay.

Jusqu’au 24 novembre
À Espace Libre
Voir calendrier Théâtre

ooo

LARRY TREMBLAY

Il est metteur en scène, acteur, spécialiste du kathakali et il enseigne le jeu et l’écriture dramatique à l’École supérieure de théâtre de l’UQAM, mais Larry Tremblay est aussi et avant tout doté d’une plume redoutable. Auteur d’une douzaine de pièces, il est aussi poète et romancier. Récompensé en 2002 par le Conseil des Arts du Canada pour l’ensemble de son oeuvre théâtrale, il est également très apprécié à l’étranger où ses pièces sont jouées dans une dizaine de pays. Alors que Le Problème avec moi vient d’être publié chez Lansman Éditeur, Claude Poissant, du Théâtre PàP, se prépare à mettre en scène sa nouvelle pièce, Abraham Lincoln va au théâtre, présentée à l’Espace Go du 22 avril au 17 mai 2008.