Lost Action : Pour qui sonne le glas
Scène

Lost Action : Pour qui sonne le glas

Lost Action est une pièce inégale où Crystal Pite affirme son génie avant de le réduire par une série de maladresses.

Dans la pénombre d’un espace scénique dominé par le rouge, les sept interprètes de Lost Action effectuent des mouvements de groupe amples et coordonnés. Encapuchonnés dans des parkas qui gomment les repères de genre, hommes et femmes sont animés d’une énergie mêlée d’angoisse et de détermination. Nous sommes en temps de guerre.

C’est ce thème, incluant les notions de disparition, de perte et de mémoire, que Crystal Pite a choisi de mettre en miroir avec le caractère éphémère du geste du danseur. Soudainement rassemblés au centre de la scène, des corps chutent et le groupe se disloque. Ici, l’astucieuse utilisation d’un stroboscope crée un effet dramatique évoquant à la fois la difficulté de faire face à l’horreur, l’opacité de la mémoire collective vis-à-vis d’un passé douloureux, et l’intensité des émotions et des effets physiologiques engendrés par la souffrance et la peur. Entre fluidité et mouvements syncopés, les corps ne cesseront d’exprimer la rupture. Par un important travail d’isolement éminemment bien intégré, ils diront le déchirement tout en clamant le besoin d’unité corporelle. Portés par les éclairages ingénieux de Jonathan Ryder et épaulés par la magnifique bande sonore d’Owen Belton, qui laisse une large place au silence, les danseurs sont exceptionnels de présence et de technicité, confinant par moments au divin. Avec ses variations de ton, de gestuelle, de dynamique et ses très efficaces répétitions, la chorégraphie est d’une intelligence et d’une sensibilité dont on se repaît avec bonheur.

Hélas, Pite brise l’enchantement en cherchant à relâcher la tension par l’introduction de principes efficaces dans certaines de ses oeuvres antérieures, comme la parole ou le discours sur son propos. Alors, la cohésion se perd, le sens se disperse et la pièce se transforme en une série de tableaux qui s’étirent en longueur.

Du 14 au 17 novembre
À l’Agora de la danse
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