Marie-Ève Gagnon : Faire la lumière
Scène

Marie-Ève Gagnon : Faire la lumière

Le Théâtre Émergence s’approprie ces jours-ci les Trois sombres textes pour actrice éclairée de Marie-Ève Gagnon. Rencontre avec l’auteure.

Les Trois sombres textes pour actrice éclairée, que le jeune metteur en scène Patrick Palmer qualifie de "brutaux et sensibles", avaient connu un franc succès lors de leur création en 1999. C’est la comédienne Isabelle de Montigny qui a eu un vrai coup de coeur pour les trois monologues de Marie-Ève Gagnon. Autour de la partition, il semble qu’une vraie rencontre se soit produite. Si bien que la pièce devient ces jours-ci la troisième production du Théâtre Émergence.

L’auteure nous explique que la partition a été écrite pour une actrice en particulier: "En fait, en apprenant qu’Andrée Vachon faisait une lecture au Trident, je suis partie à Québec pour ensuite la retrouver dans les loges et lui dire, sous l’impulsion, que j’allais lui écrire un texte. On a alors fait une carte blanche avec deux textes, dont un que j’avais déjà travaillé à l’École nationale. L’autre, je l’ai écrit expressément pour elle en sachant que ça lui serait difficile d’aller dans ces zones. Et comme ça fonctionnait bien au Périscope, on a décidé d’ajouter un texte." La pièce a ensuite été reprise à l’Espace Go. Si, à l’époque, Gagnon avait créé elle-même la bande sonore, le Théâtre Émergence a choisi de s’adjoindre les services d’un violoncelliste, Rémy Bélanger de Beauport, qui s’exécutera sur scène, selon un canevas de son cru. On insiste d’ailleurs sur le côté, sinon interactif, du moins dynamique du spectacle.

Gagnon, qui est demeurée assez loin du processus de création et qui n’a pas assisté aux répétitions, croit que le texte commande une certaine remise en question des conventions: "Qu’il n’y ait pas de quatrième mur est pour ainsi dire implicite lorsqu’on entend le texte; c’est une forme de dialogue avec le public." Le contrat est encore plus flagrant lorsque l’unique comédienne en scène déclare: "Moi je parle et vous, vous payez pour vous taire". La mise en scène jouera sur cette complicité entre l’actrice, le musicien et le public.

On peut donc s’attendre à un jeu assez physique pour faire passer un texte qui "parle beaucoup du désespoir et du désespoir conceptualisé." Selon l’auteure, il ne s’agit pas d’une affliction générale mais bien d’une désolation bien québécoise. "C’est à propos d’un sentiment dont on parle peu: celui de la honte, la honte de s’assumer dans sa laideur comme dans sa beauté. À force de vouloir être fins, on est devenus un peuple tiède."

Composer avec le réel, voilà sans nul doute l’un des principaux enjeux de la pièce. "Dans le deuxième texte, explique Gagnon, le personnage nie totalement sa réalité, par rapport à la politique, par rapport à ses choix et à sa perception de lui-même. Dans le troisième, il est question de la mort, du fait de vivre malgré les grands enjeux et la connaissance des différents désespoirs." Il semble que le jugement et les positions de l’auteure seront toujours teintés par le vécu de sa propre génération: "La pièce parle des baby-boomers, de ce que j’appelle la politique de la terre brûlée: une génération qui ne laisse rien derrière."

Jusqu’au 24 novembre
Au Théâtre de l’Esquisse
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Consultez les témoignages des créateurs de ce spectacle sur le Blogue de Christian Saint-Pierre