Corpus Rhésus Danse : Femmes fortes
Scène

Corpus Rhésus Danse : Femmes fortes

Corpus Rhésus Danse, avec sa nouvelle production Elizabeth II à Hong Kong, s’intéresse à la vie intérieure de toutes ces femmes qui doivent garder la tête haute même dans la tempête.

Sollicitée pour créer le nouveau spectacle de Corpus Rhésus Danse, la chorégraphe montréalaise Dominique Porte avait demandé à la directrice de la compagnie trifluvienne quel personnage historique elle aimerait incarner. D’emblée, Danielle Carpentier avait répondu: Élisabeth de Bavière (Sissi). Il n’en fallait pas plus pour que s’amorce une intéressante réflexion sur le contrôle de l’image. Car dans Elizabeth II à Hong Kong, on ne s’intéresse ni aux crinolines ni à la dentelle, mais bien au carcan rigide que doivent porter ces femmes de tête.

Dominique Porte, si elle opte habituellement pour la sobriété dans son travail, s’est permis quelques excentricités pour Elizabeth II. Plutôt que d’un simple pantalon gris et d’un t-shirt, elle a muni ses interprètes d’un corset et d’une perruque qui, aux dires de Danielle Carpentier, ressemble étrangement à celle portée par Cate Blanchet dans le film Elizabeth: L’Âge d’or. "Sans être littérale, je trouvais pertinent qu’on puisse avoir accès à une transformation, explique la chorégraphe. Je voulais que les sens paraissent dans le costume et que ça crée un décalage avec la personnalité des danseurs, que ça amplifie quelque chose au lieu de le plaquer. Je ne voulais rien plaquer. Ma grosse peur, c’était que ça soit anecdotique. En fait, je me suis dit que ça allait être pertinent que ça soit des personnages et qu’il y ait une déconstruction dans tout ça: qu’une autre personne soit en dessous."

La créatrice insiste beaucoup sur l’idée de miroir, du regard sur soi et de l’autre. Sur une musique de Laurent Maslé, Danielle Carpentier et Lydia Wagerer symbolisent donc la double personnalité d’une seule et même femme. Elles sont parfois au diapason, parfois en désaccord. "C’est vraiment une pièce sur la contrainte, sur le fait que des fois, tu n’as pas le choix de te tenir même si tu craques en dedans, commente la directrice de Corpus Rhésus Danse. Les reines, elles n’ont pas le choix, elles ont un gros fardeau et elles doivent l’assumer. Même si elles voulaient partir aux îles Mouk-Mouk, elles sont contraintes à quelque chose. Et tout le côté femme doit être un peu mis de côté pour laisser place à un processus de prise de décision." Cette rigidité s’exprime en partie par le fameux corset. "Qu’on le veuille ou non, quand on le met, on se tient plus droite", soutient Lydia Wagerer.

GARDER LE CONTROLE

Au coeur de la production, le contrôle de l’image que l’on veut montrer à l’autre. Comme interprète, comment compose-t-on avec l’absence de spontanéité? "Dans la danse, la performance live, il y a toujours de la spontanéité; les choses changent constamment. Donc il y a une liberté à travers ce que l’on fait, mais ce n’est pas une spontanéité qui se traduit pour le public. Les personnages ont tous besoin d’avoir une vie intérieure, mais, à l’extérieur, ils doivent garder une rigueur, un calme. Mais par moments, dans la chorégraphie, le corps capote, donc trahit l’apparence de la personne", commente Mme Wagerer, qui incarne la part vulnérable d’Elizabeth.

Inspiré de films comme Marie Antoinette ou Elizabeth: L’Âge d’or, Élizabeth II à Hong Kong nage dans des ondes impressionnistes. "C’est une pièce très abstraite, consent-elle. C’est un monde, le feeling d’un lieu. Ce n’est pas narratif. Il faut donc embarquer dans l’atmosphère de la pièce un peu comme si on entrait dans un rêve. Il faut accepter les tournures qui ne sont pas logiques ni narratives. C’est une belle aventure pour l’imaginaire."

QUEBEC-MONTREAL

Questionnées sur le principal défi du projet, les trois femmes clament à l’unanimité: les horaires! Établies dans trois villes différentes (Montréal, Québec et Trois-Rivières), elles ont dû, pendant les trois ans de création, jongler avec leur agenda pour réussir à se voir. "C’était un défi de se rencontrer dans des temps très courts et de retourner chaque fois à l’essence du travail", avoue Dominique Porte. Justement comment les interprètes se sont-elles adaptées à sa manière de faire? "Dominique ne travaille pas dans quelque chose de formel. Ce n’est pas la forme qui l’intéresse, mais le système dans la façon de bouger", signale Danielle Carpentier. "Je trouve que c’est une façon de travailler qui demande beaucoup de recherche, de patience avec soi-même, ajoute Lydia Wagerer. J’ai travaillé avec beaucoup de chorégraphes qui veulent vraiment des mouvements très précis. Avec Dominique, il y a beaucoup plus de recherche: on cherche, on jette aux poubelles; hier c’était ça, aujourd’hui c’est autre chose… C’est très exigeant parce que ça demande beaucoup de confiance en soi."

Les 16 et 17 novembre à 20h
À la salle Anaïs-Allard-Rousseau
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