Électre ou la Chute des masques : La vengeance dans la peau
Électre ou la Chute des masques, de Marguerite Yourcenar, mise en scène par Denise Guilbault, livre avec énergie et précision cette vision contemporaine de la tragédie antique.
Lorsque sa mère Clytemnestre (Linda Laplante) et son amant Égisthe (Denis Roy) assassinent son père Agamemnon, Électre (Klervi Thienpont) confie son jeune frère Oreste (Maxime Allen) à Pylade (Guillaume Champoux), un ami, afin qu’il l’amène en exil et le sauve ainsi d’une mort imminente. Mais est-ce que le couple adultère aurait vraiment tué cet enfant chéri? Et où va réellement l’allégeance de Pylade? Toujours est-il que, restée derrière, Électre épouse Théodore (Vincent Champoux), un paysan avec qui elle fomente sa vengeance. Jusqu’à ce qu’enfin, Oreste et Pylade reviennent pour accomplir cet acte de justice. Mais est-ce bien ce dont il s’agit?
À l’approche du moment fatidique, le drame se dessine en deux temps. D’abord, le passé qui refait surface, alors qu’Électre cherche à raffermir les convictions de ses complices comme on affûte un couteau. Puis, les masques qui tombent durant la confrontation. Et on peut dire que Marguerite Yourcenar multiplie les révélations-chocs savoureuses; parti pris excessif, peut-être, mais s’inscrivant dans l’esprit du genre. Car il s’agit d’une tragédie, spectacle des grandes passions placé sous le signe de l’éloquence. Ainsi en ressort-on saisi, plutôt touché par cette haine sombre et absurde. Quant au langage, certes soutenu, il a le mérite de demeurer accessible.
Cela, grâce surtout à la forte présence des comédiens, dont le jeu, qui se trouve au centre de la mise en scène de Denise Guilbault, ne s’adresse pas qu’à l’intellect. En effet, celui-ci table sur l’aspect viscéral, pulsionnel, de cette histoire ancrée au plus profond des personnages, que ce soit dans leurs tripes ou leur psyché. De sorte que ces derniers prennent vie de manière sensible, même s’ils ont beaucoup à raconter. Klervi Thienpont, notamment, nous livre avec charisme une Électre aussi impitoyable qu’inassouvie. De même, ses airs de jeune de la rue en colère participent à l’écho actuel du spectacle. Quoiqu’il aurait certainement été difficile de le deviner sans la scénographie de Louise Campeau, entre l’échangeur urbain et la grotte, ainsi que les costumes de Maude Audet, mêlant influences gothico-contemporaines et anciennes. Combinés à la musique d’Yves Dubois et aux éclairages de Sonoyo Nishikawa, ceux-ci créent une atmosphère aride, menaçante, séant bien à la froide intransigeance de l’héroïne, non sans également mettre en relief sa rage bouillonnante.
Jusqu’au 1er décembre
Au Grand Théâtre
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