Le Vrai monde? : Double vie
Scène

Le Vrai monde? : Double vie

René Richard Cyr fait entendre toutes les voix qui hantent Le Vrai monde? de Michel Tremblay: la vérité et le mensonge, l’ombre et la lumière, les cris du coeur aussi bien que les cris de haine.

S’il est un territoire où René Richard Cyr a ses repères, c’est bien dans l’oeuvre de Michel Tremblay. Après Bonjour, là, bonjour, En pièces détachées, À toi, pour toujours, ta Marie-Lou et Bonbons assortis, le créateur se mesure cette fois à une pièce de résistance, Le Vrai monde?, une partition en miroir qui pose de sérieux défis. Sans sortir l’oeuvre des années 60, le metteur en scène est parvenu à en exprimer l’universalité, c’est-à-dire la soif de reconnaissance d’un fils par ceux qui lui ont donné naissance.

Dans une famille où chacun a sa vérité, où chaque membre a sa version plutôt contrastée des faits, il est particulièrement difficile de dénouer un conflit. Maintenant, imaginez qu’un jeune auteur, issu de cette famille, entreprenne de créer des doubles à son père, sa mère et sa soeur. Le quotidien prend alors des proportions carrément tragiques, la vérité est plus fuyante que jamais et les frontières entre la vie et la scène s’abolissent. C’est précisément au bord de ce précipice que le spectacle de Cyr nous entraîne. Composer une distribution est toujours une opération délicate, un chimie exacte en même temps qu’imprévisible. Dans le cas du Vrai monde?, c’est encore plus périlleux. Il ne faut pas qu’un univers soit plus crédible que l’autre, ce sont les deux revers d’une même médaille. Sur ce point aussi, l’audacieux pari du metteur en scène est remporté. Marie-France Lambert, Normand D’Amour et Émilie Bibeau composent la famille réelle, alors que Bernard Fortin, Josée Deschênes et Milène Leclerc campent les créatures de papier. Les deux univers s’entrechoquent parfaitement, la tension monte, si bien que ce qui devait arriver arrive: le rideau et les masques, les mensonges et les faux-semblants, tout cela tombe avec fracas. Ne reste que la douleur, celle que ressent Claude d’avoir un père et une mère et de ne pas en être aimé comme il le voudrait.

De leur toute petite plateforme, au centre de l’immense plateau du Théâtre Jean-Duceppe, les comédiens sont tous très justes. Mais c’est Benoît McGinnis qui émeut le plus. Au personnage de Claude, presque toujours muet, le comédien communique une fébrilité déchirante. Le jeune homme, qui nous avait bouleversé il y a quelques années en tenant le rôle principal d’une pièce de Serge Boucher intitulée Avec Norm, arrive cette fois à nous couper le souffle. On espère que sa route sur nos scènes sera longue et jonchée de rôles à sa mesure.

Jusqu’au 8 décembre
Au Théâtre Jean-Duceppe
Voir calendrier Théâtre