Othello : Haute trahison
Scène

Othello : Haute trahison

Avec Othello, Denis Marleau rencontre Shakespeare pour la première fois. Le résultat est rien de moins qu’admirable.

On s’explique mal que Denis Marleau ne se soit pas frotté à Shakespeare plus tôt. D’autant que Normand Chaurette, dont le codirecteur artistique de la compagnie Ubu a porté plusieurs textes à la scène, est reconnu pour ses traductions des oeuvres du grand Will. Heureusement, les deux créateurs se retrouvent actuellement grâce à Othello, une tragédie à laquelle Marleau insuffle toute la rigueur et l’intelligence qui ont fait sa marque, mais aussi une bonne dose de cet humour noir qu’il emploie si judicieusement lorsque vient le temps de donner de l’élan aux plus sombres tragédies.

Le dépouillement, c’est sans nul doute le mot d’ordre de cette production d’une austérité séduisante, d’une esthétique presque orientale. Les personnages sont lancés dans l’arène, abandonnés dans les méandres d’un cruel labyrinthe des passions. Si les protagonistes naviguent à vue – hormis, bien entendu, ce calculateur de Iago -, les comédiens, eux, savent très bien où ils vont. Entre de grands murs, de hautes cloisons qui roulent et pivotent pour évoquer les différents lieux de la tragédie, ils se faufilent avec adresse. Leurs trajectoires sont d’une admirable précision. Des éclairages à la conception sonore, en passant par les projections, tout concourt à nous garder sur le qui-vive. Durant les trois heures de la représentation, on ne cesse d’être fasciné par la beauté, la singularité et la cohérence de l’objet. Armés d’une langue intemporelle, vêtus d’habits sans âge, foulant un espace en perpétuelle redéfinition, les personnages sont d’ici et d’ailleurs, d’hier et de demain. En ce sens, le spectacle actualise la pièce avec beaucoup d’intelligence. Sous la houlette de Marleau, littéralement débarrassée de ses oripeaux, la tragédie d’Othello est plus inéluctable que jamais. Cela dit, comme des exceptions qui confirment la règle, il y a des choix qu’on s’explique moins bien. Un téléphone cellulaire, des voix amplifiées comme dans un film de science-fiction… Heureusement, à la perfection, nul n’est tenu.

En accaparant une nouvelle fois les forces vives de Pierre Lebeau, Marleau mettait toutes les chances de son côté. En Iago, le comédien dépasse toutes les espérances. Avec une conviction qu’on lui connaissait, notamment dans l’humour et la perfidie, mais aussi des subtilités qu’on lui connaissait moins, il donne chair aux grandes idées qui traversent l’oeuvre, ces grands principes qui l’ont portée jusqu’à nous.

Jusqu’au 24 novembre
À l’Usine C
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