Sharon Eyal : Rites dionysiaques
Scène

Sharon Eyal : Rites dionysiaques

La chorégraphe Sharon Eyal préside le retour de la Batsheva Dance Company à Montréal. Avec Bertolina, elle nous invite à une grande fête de libération des corps et des instincts.

Même si la plus récente visite de la Batsheva Dance Company remonte au dernier Festival international de nouvelle danse, en 2003, les Grands Ballets Canadiens de Montréal nous offrent régulièrement la chance de profiter de quelques oeuvres de son charismatique directeur artistique, Ohad Naharin. C’est donc avec une certaine ferveur que les amateurs de danse attendent le retour de cette compagnie israélienne fondée en 1964, qui donne une moyenne de 250 représentations annuelles de par le monde. Invitée par Danse Danse, qui célèbre son dixième anniversaire avec une programmation d’exception, elle nous revient avec 20 danseurs interprétant cette fois une oeuvre de Sharon Eyal.

Âgée de 36 ans, cette dernière danse depuis une dizaine d’années au sein de la compagnie et fait partie de ces nombreux artistes qui ont été encouragés à développer leur créativité grâce à des ateliers chorégraphiques. Il semblerait par ailleurs que Naharin fonde sur elle les plus grands espoirs car, en plus de lui avoir déjà confié huit créations pour les quelque 40 danseurs de la compagnie et de sa troupe cadette, le Batsheva Ensemble, il l’a prise comme assistante à la direction artistique pendant un an, avant de la nommer chorégraphe en résidence en 2005. Le chorégraphe de 55 ans préparerait-il sa relève? "Je serai toujours aux côtés d’Ohad mais je ne le remplacerai jamais, affirme Eyal. Je l’adore! Il est extraordinaire comme chorégraphe, comme professeur et comme personne. J’ai tout appris de lui, plus particulièrement à être moi-même et à développer mes talents."

De cet enseignement, elle a gardé, entre autres, l’amour du genre humain et le désir de tirer le meilleur de chacun. La tâche est évidemment plus aisée quand elle crée avec ceux qu’elle connaît quasiment par coeur pour avoir partagé leur quotidien depuis de nombreuses années. Mais qu’elle chorégraphie pour la Batsheva ou pour d’autres compagnies, elle procède généralement de la même façon. "Je crée toujours en improvisant et les gens me copient, dit-elle. Je travaille presque tout le temps en individuel, même quand il s’agit d’une chorégraphie de groupe où les interprètes font tous le même mouvement. Cette méthode me permet de mieux apprendre au danseur et de me laisser inspirer par son énergie. Je pense que je donne à chacun la liberté d’être qui il est à l’intérieur d’un cadre. J’aime que les gens fassent le bon mouvement au bon moment, mais ce qui me touche, c’est leurs différences, la diversité de ce que je vois. Je ne travaille pas avec des robots."

LA VIE, LA VIE

Dans ses oeuvres, Eyal s’inspire des émotions et sentiments qui animent la race humaine mais elle ne raconte pas vraiment d’histoire. Le corps et l’instinct sont ses sources d’inspiration privilégiées. "Je ne me dis pas vraiment que je fais de l’art, déclare-t-elle. Je pense que je crée un moment de vie, quelque chose que les gens peuvent ressentir. Dans mon style, il y a d’ailleurs quelque chose qui ressemble aux premiers pas d’un enfant: je cherche quelque chose de très authentique, d’instinctuel, de très profond physiquement, connecté à la sensation et au rythme."

Dans Bertolina, la première de ses oeuvres à tenir seule l’affiche d’une soirée, la vie s’exprime via une sensualité débridée. La libération des instincts semble d’ailleurs si bien assumée que, pour qualifier cette pièce, la chorégraphe n’a pas hésité à déclarer au quotidien français L’Humanité: "C’est le jus de la femme au moment de l’orgasme." Formant une tribu aux personnalités très marquées, la chorégraphe et ses 19 interprètes se livrent à une quête du plaisir effrénée qui les pousse à la transe et donne le vertige. Pendant 60 minutes, ils évoluent sur les rythmes endiablés d’une trame sonore qui marie la musique bruitiste au rock alternatif, à la techno et à la world music espagnole ou africaine. Et pour parfaire la diversité, les costumes de Micky Avni évoquent aussi bien une salle de sport que l’aristocratie européenne du 18e siècle, le Japon des geishas ou les bordels luxuriants d’une société futuriste.

Depuis sa présentation en 2006 à Tel-Aviv et au célèbre festival Montpellier Danse, la chorégraphie a bien évolué. "Le changement majeur est que la pièce est aujourd’hui en une seule partie, alors qu’elle en avait deux au départ, commente Eyal. Et puis de toute façon, je transforme toujours quelque chose avant une nouvelle représentation. J’aime laisser une place au changement dans mes créations." Laissons, quant à nous, entrer la nouveauté dans nos vies en découvrant cette digne représentante de la relève chorégraphique israélienne.

Du 22 au 24 novembre
Au Théâtre Maisonneuve

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