Violette Chauveau : Les liaisons dangereuses
Scène

Violette Chauveau : Les liaisons dangereuses

Le Théâtre de l’Opsis entame l’an 2 de son Cycle états-unien avec Comment j’ai appris à conduire, une pièce de Paula Vogel. La lumineuse Violette Chauveau nous parle de sa plongée au coeur d’une troublante parole de femme.

Après Under Construction et Nager en surface, deux pièces qui traitent d’aspects politiques et sociaux des États-Unis, la directrice artistique du Théâtre de l’Opsis opte cet automne pour un objet théâtral plus intérieur. Luce Pelletier signe la mise en scène de Comment j’ai appris à conduire, une pièce de Paula Vogel (traduite par Maryse Warda) qui aborde de façon peu commune le thème de la pédophilie.

How I Learned to Drive, c’est l’histoire d’une femme de 42 ans qui se rappelle l’étrange liaison physique et émotionnelle qu’elle a entretenue avec son oncle, alors qu’elle avait entre 11 et 18 ans et que ce dernier lui apprenait à conduire. Cette femme, Ti-Boute, c’est Violette Chauveau qui l’incarne. "On glisse en douceur dans le sujet, explique la comédienne. On se rend tranquillement compte que quelque chose de malsain naît entre les deux. Mais le contexte n’est pas tout noir ou tout blanc. L’auteure, qui a personnellement vécu la situation qu’elle expose dans sa pièce, ne juge pas les actes commis et ne condamne personne. Elle n’oublie pas la douleur de cette relation, mais préfère se pencher sur l’humanité des deux personnages."

À en croire la comédienne, la dramaturge états-unienne évite de cantonner ses protagonistes dans les rôles clichés de la victime et du bourreau. Elle se concentre plutôt sur les paradoxes et les contradictions qui habitent le personnage central. "Mon personnage vient d’une famille intellectuellement très pauvre, affirme Chauveau, elle veut s’en sortir. Son oncle, plus raffiné, l’encourage à faire des études, il la fait se sentir comme si elle était une déesse. En fait, ils vivent une relation d’amour et de dépendance affective réciproque. Il y a des moments où Ti-Boute est en colère, mais elle nous parle de cette époque avec gratitude et nostalgie. Au fond, c’est une pièce sur le pardon et la survie."

Grâce à un enchevêtrement de scènes se déroulant dans le présent (1992) et dans le passé (les années 60 et 70), on découvre peu à peu l’histoire de Ti-Boute. C’est Gabriel Sabourin qui incarne l’oncle Peck. "Gabriel et moi avions une très belle complicité, explique Chauveau. Mais c’était très particulier, parce qu’il ne fallait pas que ce soit une complicité d’adultes. Dans la pièce, j’ai parfois 11 ou 12 ans et je suis en compagnie d’un oncle qui, lui, est âgé de 42 ans. On a donc fait quelques ajustements et, à force de travailler, on a trouvé le ton."

Se glisser dans la peau d’une adolescente, c’est tout de même un réel défi. "Je suis allée puiser dans la fragilité et la sensibilité, raconte la comédienne. Je me suis rappelé à quel point on est à fleur de peau à cet âge de l’éveil sexuel, à quel point toutes les hormones travaillent. On est très sensible dans notre corps, dans nos émotions." Il faut aussi savoir que Paula Vogel a introduit dans sa pièce un choeur, dans le sens grec du terme. Martine Francke, Magalie Lépine-Blondeau et Michel-André Cardin le composent. Selon Chauveau, le groupe soutient l’action et adoucit le passage entre le passé et le présent.

Jusqu’au 8 décembre
À l’Espace Go
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PAULA VOGEL

Née le 16 novembre 1951, Paula Vogel a grandi dans une banlieue du Maryland. Issue de la classe ouvrière, la jeune fille n’a qu’un objectif: poursuivre ses études et sortir de ce milieu. Dès le début de sa carrière, elle écrit sur des sujets controversés comme le sida, la pornographie ou la prostitution. La pièce How I Learned to Drive, créée en 1997 à New York, provoque une controverse. C’est la première fois qu’on aborde aussi simplement le thème de la pédophilie, sans condamner l’agresseur. Selon Violette Chauveau, certains groupes féministes auraient reproché à Vogel d’avoir dressé le portrait d’une femme qui souffre sans vraiment chercher à se défendre. À cela, l’auteure aurait rétorqué que, selon sa vision des choses, l’idéologie du féminisme n’est pas de montrer à tout prix une image positive des femmes, mais plutôt de parler de ce qui les trouble. Pour cette pièce, Vogel a notamment remporté un Pulitzer en 1998.