Comment j’ai appris à conduire : Chaussée glissante
Avec Comment j’ai appris à conduire, le Théâtre de l’Opsis propose une déstabilisante exploration du thème de la pédophilie.
Depuis un an, Luce Pelletier propose à ses spectateurs une escapade au coeur de la dramaturgie états-unienne. En montant Comment j’ai appris à conduire, un texte de l’incontournable Paula Vogel, la directrice artistique du Théâtre de l’Opsis prouve une fois de plus son attachement à un théâtre de parole.
Une femme dans la quarantaine qui porte le surnom de Ti-Boute (Violette Chauveau) s’avance sur scène pour nous parler de la relation trouble et ambiguë qu’elle a entretenue avec son oncle Peck (Gabriel Sabourin), alors qu’elle était adolescente et que celui-ci lui apprenait à conduire. À travers un récit non linéaire mais savamment construit, elle nous entraîne au coeur de cette liaison qui s’est étalée sur 10 ans, entre les années 60 et 70. Dans cette pièce qui lui a valu le prix Pulitzer en 1998, Vogel propose un traitement audacieux d’un sujet on ne peut plus délicat: la pédophilie. Loin d’être une ode à cette déviance psychologique et sexuelle, l’oeuvre nous transporte loin des condamnations et tente de nous donner les clés pour comprendre sans juger le besoin d’être aimé, séduit et admiré qui habite ces deux êtres en détresse. Pour nous faire décoller du réel, l’auteure a introduit dans son récit un choeur grec dont le rôle est de placer l’action en scandant de petites phrases parfois rigolotes qui dressent un parallèle entre la conduite automobile et le pilotage de notre propre existence. Les trois choreutes (Martine Francke, Magalie Lépine-Blondeau et Michel André-Cardin) endossent également tous les autres personnages sans jamais changer d’apparence. L’humour se marie bien au récit puisque celui-ci nous est livré sans pathos, par une femme qui a pardonné à son agresseur. La scénographie d’Olivier Landreville nous éloigne elle aussi du réalisme.
Le fait d’aborder de façon éclatée et presque ludique le thème de la pédophilie confère à l’ensemble de la proposition théâtrale une originalité peu commune. Pour passer de la femme mûre à l’adolescente, la polyvalente Violette Chauveau transforme habilement sa voix et son expression corporelle. Dans le rôle de l’oncle, Gabriel Sabourin jongle brillamment avec les notions d’amour et de culpabilité. Une histoire de survie qui s’adresse à notre tête et nous chavire le coeur.