Danièle Desnoyers : Sacré piano!
Scène

Danièle Desnoyers : Sacré piano!

"Play it again, Sam!" susurre Ingrid Bergman au pianiste dans Casablanca, réplique qui passera à l’histoire et dont la chorégraphe Danièle Desnoyers s’est inspirée pour sa dernière création.

"Je voulais faire référence à ce désir de toujours vouloir réentendre quelque chose que l’on connaît", explique la chorégraphe, jointe à Montréal où elle est présentement en période créatrice pour sa future pièce. En attendant, elle accompagnera danseurs, musicien et piano lors de leur visite dans la capitale pour la présentation de Play It Again!, créée en 2005 à Bruges et qui vient tout juste d’entamer sa tournée québécoise.

Un piano? Oui, vous n’avez pas la berlue. La dernière pièce de Danièle Desnoyers s’intéresse de près à cet instrument sacré et à son véritable pouvoir d’évocation, et en fait son personnage principal, un "sixième danseur" imposant et trônant au centre de l’espace scénique. Mais, fidèle à sa volonté constatée auparavant de détourner les instruments de leur vocation initiale – comme dans sa précédente pièce Duos pour cordes et instruments, où les danseurs utilisaient l’appareillage destiné aux guitares électriques pour créer du feedback -, le piano est ici utilisé de mille façons, éventré pour les besoins de la cause. "Comme il y a eu beaucoup de chorégraphies dans l’histoire de la danse qui ont été créées avec un piano sur scène, je me suis dit: "Si on le fait, il faut vraiment désacraliser l’objet." On a donc fait l’acquisition d’un piano sinistré duquel on pourrait extirper toutes les sonorités possibles sans craindre de l’abîmer", explique la créatrice.

Au coeur de cette aventure exploratoire, une figure, le compositeur Jean-François Laporte, aussi connu pour être un concepteur d’installations sonores. "J’ai assisté à une des représentations de son spectacle Tribal et j’ai eu un coup de coeur pour sa musique et son univers. Je me suis dit que ça serait intéressant de travailler ensemble sur un projet chorégraphique. Je lui ai fait entendre un enregistrement que j’avais d’un accordeur de pianos qui était venu chez moi. J’avais adoré entendre ces sonorités. C’est alors qu’il m’a dit qu’il avait fait tout un travail exploratoire autour du piano, et qu’on a décidé de créer Play It Again!" relate-t-elle.

CAISSES DE RESONANCE

Et les danseurs dans tout ça? Ayant décidé, avec l’aide du dramaturge Guy Cools, de suivre une ligne narrative où "tout allait découler du piano ou y retourner", la chorégraphe a essentiellement travaillé avec les corps des interprètes comme des caisses de résonance qui réagissent aux sonorités diverses de l’instrument à cordes, créant un lien tangible et senti entre les deux. Comme la musique est live, la créatrice a aussi fait le choix de laisser une certaine marge de manoeuvre à ses danseurs: "Quand la musique est live, il y a une plus grande liberté sur le plan du temps. Puis il y a le rapport qu’ont les danseurs avec le musicien pendant la pièce qui fait aussi appel à la spontanéité, au jeu…" L’instrument et son pianiste, Martin Ouellet, deviennent ainsi le point central de la pièce, l’objet d’attirance auquel les interprètes retournent sans cesse, mais d’une façon peu orthodoxe… "Les danseurs font à peu près tout et n’importe quoi avec le piano, oui!" conclut-elle en riant.

Du 29 novembre au 1er décembre à 20h
À la salle Multi