Jacques Leblanc, Marie-Josée Bastien et Véronique Côté : Époque de renaissances
Scène

Jacques Leblanc, Marie-Josée Bastien et Véronique Côté : Époque de renaissances

Jacques Leblanc, Marie-Josée Bastien et Véronique Côté, tous associés à un spectacle en rappel, discutent avec nous de la production théâtrale à Québec. Table ronde.

Cette année, la période des Fêtes nous réserve son lot de présents théâtraux, avec la reprise de trois pièces à succès, soit En attendant Godot, On achève bien les chevaux et Show d’vaches au Bitch Club Paradise. En fait, les productions québécoises semblent de plus en plus nombreuses à connaître une seconde vie. Opinions.

ÉTAT DE SANTE

D’abord, Jacques Leblanc, directeur artistique de la Bordée et interprète d’En attendant Godot, remarque: "Je pense qu’actuellement, ça va assez bien. Il y a beaucoup plus de spectacles qu’il y a 10 ans, plus d’artisans, plus de créations et plus de public. Mais c’est sûr que ça demeure un milieu pauvre; rares sont les comédiens qui gagnent, au théâtre, plus de 20 000 $ par année. Il faut que tu fasses autre chose. Et la télé, à Québec, il n’y en a plus. À Radio-Canada, maintenant, tous les trucs qui demandent des comédiens se font à Montréal. Aussi, j’ai l’impression qu’on est un peu moins soutenus de la part des médias. C’est toujours le cinéma qui fait la une, sinon, ce sont des groupes rock ou des chanteurs, mais le théâtre… Pourtant, c’est un des arts les plus florissants ici. – Il se fait d’excellents spectacles; la qualité est là, l’audace est là, note en ce sens Marie-Josée Bastien, metteure en scène d’On achève bien… Et, effectivement, je sens le public assez curieux d’aller voir de nouvelles choses. Ce que je déplore, c’est qu’il y a moins de monde sur les scènes. Des pièces à 2 ou à 3, c’est bien, mais c’est l’fun aussi d’en avoir à 15, à 18." Quant à Véronique Côté de Show d’vaches…, elle apprécie la place faite à la relève: "J’ai l’impression que c’est un milieu super accueillant, très chaleureux, entourant et porteur pour ceux qui arrivent. Je le sens comme interprète, productrice, metteure en scène et créatrice. Il y a beaucoup de solidarité, et je pense que c’est une grande force."

REANIMATION NATURELLE

Bref, des conditions favorables à l’émergence de pièces ayant tout ce qu’il faut pour être reprises. Une option intéressante, selon eux. "Parce que ça améliore les conditions d’existence des artistes de façon significative, affirme Véronique Côté. Tout à coup, tu peux profiter d’un travail qui est déjà fait pour gagner ta vie. – C’est sûr que, financièrement, ça aide tout le monde, poursuit Jacques Leblanc. Et pour un employeur, puisqu’on est tous directeurs de compagnie, c’est valorisant de donner la possibilité à des gens de travailler plus longtemps, d’avoir plus d’argent. Car c’est un enrichissement de nos programmations normales, ça n’enlève rien à la saison, ça nous permet seulement d’embaucher plus de monde. – C’est bien parce que, pendant qu’un show tourne et qu’on fait des sous, on peut engager d’autres personnes pour d’autres productions, ajoute pour sa part Marie-Josée Bastien. – Et des acteurs qui travaillent, ce sont des acteurs qui restent", résume sa collègue.

Cela, non sans également faire valoir, en parlant de Show d’vaches…: "Aussi, la somme de travail investie est tellement importante que de jouer seulement deux ou trois semaines, c’est complètement crève-coeur. Sans compter que, souvent, les productions n’ont pas eu le temps de rencontrer leur plein public. – Moi, j’ai passé quatre ans à penser à On achève bien…, à le rêver, à en écrire des petits bouts, raconte Marie-Josée Bastien. S’il avait fallu qu’on le joue seulement 20 fois, autant arrêter de faire de la création. C’est sûr qu’il y a des bons coups et des mauvais coups, mais quand une pièce fonctionne bien, c’est formidable qu’elle se promène, que les gens la voient. Et aussi, pour les comédiens, c’est d’approfondir un rôle, de le laisser se déposer pour qu’il puisse se bonifier." À ce propos, Jacques Leblanc illustre: "Ça fait deux semaines qu’on répète En attendant Godot, et on trouve de nouvelles affaires. Le texte nous apparaît encore plus limpide et le rapport entre les personnages va encore plus loin. C’est merveilleux!"

N’empêche, la demande n’est pas sans limites. "C’est sûr que chacun des théâtres organise plein d’activités pour donner de la job le plus possible, mais de multiplier, de remultiplier, de surmultiplier les événements ne sera pas la solution, commente-t-il. Là, on se partage assez bien le public. Cela dit, c’est certain qu’à un moment donné, il va falloir réfléchir au fait qu’on ne peut pas présenter des milliers d’autres spectacles en même temps, ce ne sera plus viable. Augmenter les distributions serait, à mon sens, une des façons de conserver nos gens chez nous. – Donner aux théâtres les moyens d’augmenter les distributions!" précise Véronique Côté. Ce à quoi Marie-Josée Bastien ne peut qu’acquiescer. Et la question n’est qu’à peine effleurée…

En attendant Godot
Du 4 au 8 décembre
Au Théâtre de la Bordée

On achève bien les chevaux
Du 5 au 16 décembre

Show d’vaches au Bitch Club Paradise
Du 20 au 22 et du 27 au 30 décembre
Au Théâtre Périscope
Voir calendrier Théâtre