Rhinocéros : Le mal court
Le Rhinocéros de Ionesco survit à la lecture pas toujours éclairante de Jean-Guy Legault.
Avec Rhinocéros, Jean-Guy Legault fait son entrée entre les murs du prestigieux Théâtre du Nouveau Monde. Histoire d’ajouter du piquant à l’aventure, le metteur en scène a choisi de s’aventurer pour la première fois, du moins dans un contexte professionnel, sur un territoire franchement absurde. Étant donné la nature éminemment sociopolitique du théâtre de Ionesco, la rencontre devait se produire tôt ou tard. Malheureusement, de ce croisement ne surgissent pas que des merveilles.
D’abord, rendons à César… La direction d’acteur est sans faute, le rythme de la représentation est soutenu, les enjeux sont clairs. C’est l’enrobage qui coince. La fable animalière de Ionesco, aussi implacable que celles de La Fontaine, le metteur en scène l’affuble d’un appareillage d’effets comiques et scénographiques qui agacent. L’idée de transplanter l’action dans la tour à bureaux d’une multinationale des communications – le rhinocéros du 21e siècle – est aussi intéressante sur papier que décevante dans les faits. On aurait pu évoquer l’aliénation du travail sans mêler la mondialisation et les grandes entreprises à tout ça. C’est carrément superflu. À la tentation d’évoquer ici les événements du 11 septembre, Legault ne peut résister. On a droit aux corps qui tombent, aux cris du rhinocéros transformés en vrombissements d’avion, au pompier héroïque… Sous l’artillerie lourde, pour ne pas dire malgré elle, la pièce de Ionesco subsiste. La finesse de sa réflexion sur la vie des hommes en société nous saute une fois de plus au visage. Il faut dire que le texte est bien servi par les acteurs.
Annick Bergeron et Diane Lavallée sont parfaites en Botard et Dudard, pimbêches à souhait. Sale, bedonnant, alcoolique, refusant d’entrer dans le rang, Alain Zouvi fait de Béranger un homme subversivement libre. À l’opposé, Marc Béland donne à Jean une docilité féroce, une rectitude qui donne froid dans le dos. La scène de métamorphose est à ranger parmi les plus convaincantes que le théâtre ait données. Mention spéciale pour la délicieuse Évelyne Rompré. Mélange de naïveté et de bon sens, sa Daisy est des plus attachantes.
Jusqu’au 15 décembre
Au Théâtre du Nouveau Monde
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