Staccato Rivière : Flots tumultueux
Scène

Staccato Rivière : Flots tumultueux

Avec Staccato Rivière, Emmanuel Jouthe prouve que création et quête identitaire ne sont pas un long fleuve tranquille.

Pour son retour sur scène, Emmanuel Jouthe a choisi d’explorer les relations entre hommes en s’entourant de deux interprètes très différents de lui. Vêtu d’un costume gris à l’élégance décontractée, il se présente aux côtés d’un Masaharu Imazu en jeans et tee-shirt coloré et d’un David Flewelling en slip Calvin Klein. On pourrait croire à une représentation de trois générations: le père, l’ado, l’enfant. Trois corps et trois énergies bien distinctes qui s’apprivoisent et se confrontent dans une rivalité aux accents parfois puérils.

Le propos de la pièce semble être celui d’un chorégraphe qui cherche à diriger ses interprètes sans toujours bien savoir où il veut les mener et qui, tour à tour, les manipule ou se soumet à leur pouvoir. Une théâtralité empreinte d’humour vient souligner cette errance artistico-existentielle, tout comme les trois têtes de bois présentes sur scène qui reflètent la difficile harmonisation du corps et de l’esprit dans le processus créatif. La tension créée par cette dichotomie est parfois subtilement renforcée par la trame sonore de Laurent Maslé qui, par exemple, à un moment où les danseurs sont en pleine confusion, reprend en boucle la voix d’un homme déclarant: "C’est clair." Notons au passage que le compositeur d’origine française offre un clin d’oeil à sa propre masculinité en usant régulièrement de commentaires sportifs sur des matchs de soccer. Dans cette pièce ludique à l’équilibre imparfait, on retrouve avec grand plaisir des éléments caractéristiques de la signature de Jouthe. D’abord, les pleins et déliés d’une écriture fougueuse qui s’expriment avec une finesse toute particulière dans le corps d’Imazu, hallucinant de fluidité et de ressort. Les jeux entre lumière et obscurité avec, notamment, une valse de projecteurs savamment orchestrée par Caroline Nadeau. Aussi, la présence de l’eau qui, cette fois, s’écoule le long d’un mur où se dessine l’ombre de la silhouette démesurée de Flewelling.

Enfin, la danse entravée par des cordes dans les dernières créations l’est à nouveau ici par le biais d’une table qui restreint l’espace et fait obstacle au mouvement. Quant au puissant solo final de Jouthe, qui marque le mur de fond de scène de sa sueur, il rappelle les dernières images d’Æternam dans un des trop rares temps forts de la pièce.

Jusqu’au 8 décembre
Au Théâtre La Chapelle
Voir calendrier Danse

À voir si vous aimez /
Le film Le Coeur des hommes, de Marc Esposito