L'année théâtrale 2007 : L'importance d'être constant
Scène

L’année théâtrale 2007 : L’importance d’être constant

L’année théâtrale 2007 a combiné bonne moyenne et faible écart type. Bref, plutôt qu’une montagne russe, des pièces somme toute respectables, dont quelques coups de coeur que voici.

FORÊTS

Forêts, spectacle créé par Wajdi Mouawad et son équipe, marque d’un jalon lumineux l’année théâtrale 2007. Saga aux allures de fable, enchevêtrant l’histoire de multiples personnages, la pièce fait traverser le 20e siècle, entre destins collectif et individuels. Dépouillement et symbolisme de la mise en scène, investissement intense et ferveur des comédiens, images puissantes, d’une beauté fulgurante par le jeu des corps, des éclairages, les liens admirablement tissés d’une époque à l’autre: Forêts conviait à une odyssée sauvage, magnifique, envoûtante. Dont on ressortait ébloui, bouleversé. (M. Laliberté)

LES MAINS SALES

Autre production majeure: Les Mains sales. Grand plaisir que d’entendre ce texte solide, brillamment écrit de Jean-Paul Sartre, qu’on joue peu sur nos scènes; plaisir, ensuite, de voir cette pièce sous la conduite de Marie Gignac, qui lui donnait, par les accents modernes de sa mise en scène, actualité et énergie tonique. Plaisir, enfin, de plonger dans ce suspense politique aux côtés de comédiens finement dirigés, tous remarquables, dont le duo Hugues FrenetteGuy Thauvette, impressionnant. Ce spectacle a remporté quatre Masques au Gala 2007. (M. Laliberté)

HISTOIRES D’HOMMES

Moment délicieux: Histoires d’hommes, de Xavier Durringer, interprété par Sylvie Cantin et mis en scène par la comédienne et ses complices Érika Gagnon, Bertrand Alain et Kevin McCoy. Misant sur la proximité avec le public, dans un théâtre en rond, en rouge, entre alcôve et bonbonnière, ce spectacle présentait en une suite de monologues les expériences amoureuses d’une femme, de plusieurs femmes. Rêveries, souvenirs, confidences emportaient le spectateur dans des atmosphères variées, drôles, émouvantes, poétiques. Saluons ici le talent de Sylvie Cantin, son audace à jouer la carte de l’intimité, avec chaleur, sensibilité. Du bonbon. (M. Laliberté)

À TU ET À TOI

Cette création d’un texte d’Isabelle Hubert ( m.e.s. Jean-Sébastien Ouellette ) nous a séduits par son mélange d’humour et de drame, visant aussi juste l’un que l’autre. D’une part, avec son sens de la répartie et son sarcasme; d’autre part, en exprimant si bien l’effet du temps qui passe. Dans la distance qui sépare rire et larmes, hier et aujourd’hui, effusion verbale et silence, amitié érodée et rivalité assagie, hyperréalisme convaincant et images – tantôt ludiques, tantôt poignantes – naît une émotion tendue entre espoir et nostalgie. (J. Ouellet)

L’OUEST SOLITAIRE

Présentée deux fois au cours de l’année, cette pièce (m.e.s. Marie-Hélène Gendreau) nous a sonnés par son côté punché, attribuable tant au texte de Martin McDonagh qu’à l’interprétation intense qu’en ont livrée les comédiens (notamment Jean-Michel Déry et Jean-René Moisan). Ainsi, sans concession ni merci, nous y a-t-on fait rire comme on assène des coups, au gré d’un humour aussi cinglant que l’univers sombre où évoluent les personnages. Une illustration frappante, donc, du fait qu’il est de ces états d’aliénation où l’amour ne trouve à s’exprimer que par la violence et la cruauté. (J. Ouellet)

L’HOMME ÉLÉPHANT

Nous retenons cette production pour son exploration à la fois pertinente et, surtout, réussie du potentiel de l’éclairage (m.e.s. Hugo Lamarre). En effet, alors qu’il y est question d’aller au-delà des apparences, l’idée de mettre en lumière l’intériorité et de laisser dans l’ombre l’extériorité des personnages s’avérait déjà intéressante. Cela dit, au-delà de toute analyse, c’est l’impact dramatique de ces contrastes et du jeu (Vincent Champoux livrant un John Merrick fascinant d’esprit et de douceur) qui est parvenu à nous faire ressentir profondément ce dont il était question. (J. Ouellet)

BIGGER THAN JESUS

CARREFOUR INTERNATIONAL DE THÉÂTRE DE QUÉBEC

Jouissif, hilarant, d’une intelligence redoutable, le solo Bigger than Jesus de Rick Miller (mis en scène et coécrit par Daniel Brooks) s’inscrit dans une lignée lepagienne où se confondent Histoire et histoire, intime et universel, didactique et ludisme. Le sacré et le profane. À travers une série de tableaux habilement enfilés, le comédien et auteur proche de l’équipe d’Ex Machina aborde le sujet sensible de la religion dans un mélange de candeur et d’irrévérence où la technologie est soigneusement employée afin de créer des univers, de générer des décors ou des ambiances. À la manière d’un Woody Allen sous acide, Miller radiographie les angoisses humaines (le sens de la vie, la mort…) et souligne les absurdités de la religion tout en investiguant le désir de transcendance qui nous habite. Divin. (D. Desjardins)