Revue 2007 – Théâtre : De toutes pièces
Scène

Revue 2007 – Théâtre : De toutes pièces

Des rénovations, des récompenses et des mises au point, des avancées et des statu quo, mais surtout des créateurs talentueux, totalement engagés dans leur passion pour le théâtre.

Cette année, le premier Festival TransAmériques a trouvé son public, la Semaine de la dramaturgie a perdu son vernis d’antan, l’Opsis s’est lancé dans un trépidant Cycle états-unien, on a démontré la pertinence de la Carte Premières à coups de chiffres, le 6e Festival du Jamais Lu s’est déroulé sous le signe de la résistance et Evelyne de la Chenelière a eu le courage de dénoncer, dans les pages de la revue Argument, la complaisance occasionnelle de son milieu.

Le Conseil québécois du théâtre a tenu ses États généraux. Les discussions, riches et mouvementées, ont donné lieu à une foule de résolutions. L’avenir nous dira lesquelles étaient réalisables. Malheureusement, le dossier de La Centrale, ce lieu de diffusion consacré aux artistes de la relève qui devait ouvrir ses portes cette année, est plus que jamais sur la glace. Comment expliquer que les gouvernements n’aient pas encore donné aux animateurs de ce projet, l’un des plus enthousiasmants que notre milieu théâtral ait mis sur pied depuis une quinzaine d’années, les moyens de réaliser leur rêve? La reconstruction du Quat’Sous est à peine commencée, mais le Centre des auteurs dramatiques a investi ses nouveaux locaux et le Théâtre Denise-Pelletier a obtenu le financement qui permettra d’entreprendre les travaux de réfection qui s’imposent. Aussi, de sérieuses rumeurs circulent à propos d’une éventuelle rénovation de La Licorne. On en saura sûrement davantage en 2008. Quant au Festival de théâtre de rue de Shawinigan, il s’est éteint dans la querelle. Mais on sait maintenant qu’un nouvel événement du même genre se tiendra à Lachine l’été prochain.

En 2007, le CEAD, le TNM et Abé carré cé carré, la compagnie de Wajdi Mouawad, ont offert à quatre auteurs libanais et israéliens une bourse de 5000 $ pour l’écriture d’un texte de fiction. Brigitte Haentjens a remporté les prix Gascon-Thomas et Siminovitch; Daniel Danis, le Prix littéraire du Gouverneur général; Michel Marc Bouchard, le prix Banque Laurentienne du Théâtre d’Aujourd’hui; Robert Lepage, le prestigieux prix Europe et le Théâtre de La Manufacture, le Prix de la critique montréalaise pour Coma Unplugged, une pièce de Pierre-Michel Tremblay mise en scène par Denis Bernard. Cette année, parce que l’Académie québécoise du théâtre traversait (et traverse toujours) une grave crise financière, la cérémonie des Masques n’a pas été télédiffusée. Il s’en trouve pour dire que c’est une catastrophe et d’autres pour dire que ce n’est pas plus mal.

Ce fut une belle année pour Lise Roy, plus grande que nature dans Marie Stuart, pour Sébastien Dodge, aussi juste dans Kvetch que dans Ubu roi et Rhapsodie-Béton, pour Marie-France Lambert, aussi à l’aise chez Adam Bock que chez Marguerite Duras et Michel Tremblay, et pour Benoît McGinnis, qui donne tant de vérité aux êtres qu’il incarne. On se souviendra aussi de Steve Laplante dans Coma Unplugged, de Denis Gravereaux dans Bashir Lazhar, de Macha Limonchik dans Du vent entre les dents, de Marcel Pomerlo dans Les Jours fragiles, de Marie Tifo dans Ubu roi, d’Alain Fournier dans Les Escaliers du Sacré-Coeur, de Linda Laplante dans Forêts, de Serge Dupire dans Je suis d’un would be pays, de François Clavier dans Terre océane et de Pierre Lebeau dans Othello. En somme, bien assez de beaux souvenirs pour tenir le coup jusqu’à la rentrée de janvier. Passez de joyeuses Fêtes!

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Les jeunes créateurs fringants

Parmi les jeunes artistes que les écoles nous offrent chaque année, certains se détachent nettement. C’est le cas de l’équipe du Théâtre de la Marée Haute, Michel-Maxime Legault et Sébastien Dodge en tête. Cette année, à l’Espace Geordie, ils ont offert deux bijoux: Kvetch et Rhapsodie-Béton. Il faut aussi nommer Jean-Pascal Fournier et son émouvant solo Moi au milieu du monde; la bande de la S.H.O.P. et leur délirant Copi; les talentueuses interprètes du collectif FollieShow et Emmanuelle Jimenez, une auteure dont la première pièce, Du vent entre les dents, augure le meilleur.

Les metteurs en scène venus d’ailleurs

Les créateurs venus d’ailleurs, on le sait, c’est idéal pour bousculer les idées reçues et remettre en cause les façons de faire. À l’Espace Go, le Français Éric Vigner a offert un Savannah Bay splendide. Il n’y a pas d’autres mots. Kristian Frédric, un autre Français qu’on aimerait bien garder chez nous à l’année, a repris son percutant Big Shoot et créé Moitié-moitié. Le Russe Alexandre Marine a mis le Rideau Vert sens dessus dessous avec sa relecture de Marie Stuart. Et le Roumain Theodor Cristian Popescu a fait son entrée au Quat’Sous avec Une nuit arabe, un spectacle sobre et efficace.

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Les textes qui manquent de substance

Il faut bien admettre que, cette année encore, certains textes n’ont pas passé la rampe. Il y a des oeuvres que même le plus doué des metteurs en scène ne saurait imposer. Certaines partitions auraient eu avantage à être retravaillées, d’autres, à demeurer au fond d’un tiroir. Je pense aux Antilopes d’Henning Mankell, à Laine sans mouton de Jean-François Caron, à Lucidité passagère de Martin Thibodeau et aussi à The Glass Eye, un monologue de Louis Negin si mince que même Marie Brassard n’a su lui insuffler vie.

Les relectures qui manquent d’inspiration

Heureusement, elles ne sont pas si nombreuses. Il y a de très belles réussites: l’Ubu roi de Normand Chouinard, L’Énéide d’Olivier Kemeid, le Discours de la méthode d’Antoine Laprise. Mais il y a aussi des déceptions, des rendez-vous manqués: le Don Juan de Lorraine Pintal ou encore L’Iliade d’Alexis Martin.