Arianna Bardesono : Un monde de possibilités
Pour sa première mise en scène professionnelle au Québec, Arianna Bardesono a choisi d’explorer Les mondes possibles, de John Mighton.
On dit que dans Les mondes possibles, une pièce écrite en 1988 et créée à Toronto en 1990 – Robert Lepage en a fait un film en 2000 -, le bagage scientifique de John Mighton, dramaturge et mathématicien, est palpable. Arianna Bardesono, fraîchement diplômée de l’École nationale de théâtre en mise en scène, est à la barre de cette production du Quat’Sous. Selon la jeune femme d’origine italienne, qui en est à sa première mise en scène professionnelle au Québec, la pièce est un véritable thriller philosophique.
La pièce s’ouvre sur un meurtre, alors que George (Steve Laplante), un génie des chiffres, est retrouvé mort dans son appartement, le crâne vidé de son cerveau. Selon Bardesono, "la question initiale n’est pas de savoir qui est l’assassin, mais bien de comprendre pourquoi on lui a volé son cerveau." Le récit entrecroise deux fils narratifs distincts. D’un côté, on suit l’enquête policière menée par un inspecteur (Denis Bernard) et son assistant (Patrice Coquereau). De l’autre, on plonge au coeur de la relation amoureuse que George a entretenue avec Joyce (Catherine-Amélie Côté). Bardesono, un petit sourire en coin, explique: "Dans différentes scènes, on assiste à la première rencontre entre George et Joyce. Mais on se rend compte que l’histoire renferme un élément bizarre, parce que les personnages ne sont pas les mêmes dans tous les tableaux. Ce sont les mêmes personnes, mais avec des qualités différentes."
On pourrait croire que l’auteur fabule ici sur les différentes vies qu’aurait pu mener son personnage principal. Toutefois, Bardesono propose une autre explication. Dans sa pièce, Mighton tente en réalité d’introduire la théorie scientifique des "mondes multiples". Élaborée par Hugh Everett en 1957, celle-ci soutient que nous évoluons dans un monde de possibilités et que chacune d’entre elles détient sa propre existence. En clair, il existerait, selon Everett, des milliers de mondes parallèles où chacun de nous vivons une réalité différente selon les choix que nous effectuons. Voilà qui explique que George et Joyce présentent des différences selon les scènes.
Pour Bardesono, le texte suggère également une troisième lecture. Celle-là relève de la science-fiction et laisse entendre que toutes les péripéties découlent en fait du cerveau – volé – de George. "Cette pièce est un voyage dans les rêves, l’imagination et le cerveau humain", lance la metteure en scène avant d’ajouter que l’histoire, écrite de façon très réaliste, se parcourt aisément. "C’est davantage la juxtaposition des scènes et des différentes situations qui crée un effet onirique". Ainsi, pour ne pas confondre les spectateurs, la jeune femme a axé sa mise en scène sur le réalisme. "J’essaie de créer des situations les plus réelles possibles, tout en introduisant ce jeu de miroir entre la réalité et ce qui se déroule dans la tête de George." Comme il existe de multiples façons d’interpréter cette pièce, Bardesono invite le public à s’abandonner, à faire confiance à son cerveau droit, siège de l’intuition!
Jusqu’au 2 février
Au Théâtre Prospero
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