Catherine Dorion : Laissez passer les clowns
Scène

Catherine Dorion : Laissez passer les clowns

Catherine Dorion remet son nez de clown pour la reprise, deux ans après sa création, de Quand le sage pointe la lune, le fou regarde le doigt, du Théâtre du Soucide collectif.

L’idée de ce spectacle remonte au Conservatoire, au moment où Catherine Dorion et Nicola-Frank Vachon improvisent, dans un de leurs cours, une scène frappante: alors qu’un clown a décidé d’aller se "soucider", un autre tente de le retenir. Toujours présente dans Quand le sage pointe la lune …, cette scène est le point de départ du travail de création, basé sur une série d’improvisations des deux comédiens, auxquels se joint bientôt Serge Bonin. "Sans qu’on ait choisi de thème précis, ça tournait toujours autour de la redécouverte de la normalité", explique Catherine Dorion. Au printemps 2006, c’est la création du spectacle, mis en scène par Marc Doré: un voyage dans l’univers de trois clowns qui posent sur tout – notre société, nos relations – un regard étonné. On les retrouve ces jours-ci au Périscope, dans une version à peine modifiée, "mais plus solide, peaufinée".

Distrait, maladroit, le clown a pour habitude de nous faire rire. Pour les trois créateurs, il devient aussi un révélateur. "C’est ça qu’on aimait, dans le clown de Marc [Doré]. Sa façon d’enseigner le clown, c’est pas "Soyez drôles, faites-nous rire"; c’est plutôt "Soyez complètement neufs". C’est ça qui est l’fun avec ce spectacle: c’est de remettre en question tout ce qui crée notre monde – la pub, la télé, les relations, la façon qu’on a de serrer la main, d’être poli… Toutes ces façons de faire qui paraissent normales parce qu’on vit dedans et qu’on ne voit plus; dans l’oeil du clown, tout ça est absurde. Ça lui fait "Ah oui, c’est comme ça que ça se passe? Ah? c’est comme ça qu’il faut réagir?". On vit dans une société pleine de conventions – comme n’importe quelle société -, où tout est dicté; on veut que le clown pose des questions, en réagissant aux choses. Pour lui, tout est tout le temps nouveau."

En plus d’interroger ce qui nous entoure, "le clown est super sensible, super susceptible; et dans tous les échanges, il réagit fortement." Porter son nez semble donner certains réflexes au clown – et au comédien -, et quelques permissions. "Moi, mettre un nez de clown, ça me change; c’est comme un petit masque. Ça change notre façon d’être, de bouger : on n’est pas habile, on se tient tout croche. Ça donne aussi le goût de faire des gestes qu’on aurait envie de faire dans la vie – se passer les mains dans la face, par exemple, quand on est mal à l’aise -, mais qu’on ne fait pas, parce que ça a pas de bon sens. Ça donne la permission de faire des choses qu’on a en dedans, qu’on ressent encore comme quand on avait 5 ans, mais qu’on ne fait plus parce que ça prouverait trop notre faiblesse. Le nez de clown, c’est ridicule, c’est mignon: c’est comme si ça donnait le droit d’être tout vulnérable."

C’est cette sensibilité, cette spontanéité du clown qui plaisent à Catherine Dorion, et lui donnent envie de "continuer à créer là-dedans". "Le clown, c’est tellement riche parce que c’est pas juste une analyse, ou une façon de dire; c’est une façon sensible de montrer quelque chose, avec souvent une immense tendresse pour l’être humain, qui est tout croche, incapable, mais qui essaye seulement d’être heureux."

Jusqu’au 2 février
Au Théâtre Périscope
Voir calendrier Théâtre