Jean-Martin Bernier : Percer l’armure du temps
Jean-Martin Bernier est invité par la compagnie Danse-Cité à poursuivre son observation du réel dans À corps défendant, un duo avec Suzanne Lemoine.
C’est à la fin d’un parcours de 12 ans en interprétation au sein de la compagnie Montréal Danse que Jean-Martin Bernier s’est lancé dans la chorégraphie. En 2001, il présentait à Tangente Cruels mystères et en 2004, CHOC ou Le Corps à rebours, deux solos où il plongeait déjà au tréfonds de son être pour se mettre davantage en phase avec la réalité. "Quand j’étais petit, j’avais le sentiment d’une grande liberté, et plus je gagne en âge, plus je me rends compte que l’histoire qu’on porte nous fait réagir plutôt qu’agir librement, confie l’artiste quadragénaire. Pour moi, la création part d’un besoin de communiquer l’importance de se connaître soi-même pour entrer véritablement en contact avec ce qui survient, avec les êtres."
Cette quête de vérité et d’authenticité s’inscrit, entre autres, dans l’observation de la dualité entre corps et esprit et de la façon dont l’un et l’autre influencent notre perception du réel. "J’essaie de décrire l’expérience de présence que le corps peut apporter mieux que la pensée, poursuit le chorégraphe. Car la pensée se base sur le passé, sur des notions apprises, et se projette dans un futur. Elle s’exprime donc toujours dans un espace-temps qui n’est pas dans l’instant, tandis qu’avec le corps, on peut s’intégrer totalement dans le présent."
Paradoxalement, Bernier ressent le besoin de faire appel aux mots pour exposer clairement son discours et élucider l’abstraction propre à l’expression du corps. Il fait de la parole un geste et intègre des écrits du philosophe québécois Pierre Bertrand, qui influence ses créations depuis le début et qui sera présent lors des deux traditionnelles rencontres avec le public. Il utilise également des textes de Suzanne Lemoine, comédienne-danseuse avec qui il partage la scène pour creuser un peu plus les notions de dualité et de polarité en introduisant l’Autre ainsi qu’une dimension plus clairement féminine.
"Au départ, ma préoccupation était d’observer au microscope les multiples aspects d’une personne, précise Bernier. De mettre en scène le physique, l’émotionnel, le spirituel, l’intellect et l’inconscient. L’utilisation du texte était donc incontournable. Je voulais voir aussi si je pouvais transposer mon processus sur quelqu’un sans le faire bouger comme moi. C’était important que la gestuelle vienne de la personne. Il faut dire aussi que je suis peu préoccupé par la forme. L’impulsion pour créer, c’est le fond: je développe la gestuelle et les tableaux pour servir le propos. Parfois, c’est plus dansé ou plus théâtral, d’autres fois, c’est très souligné au premier degré ou esquissé, ça peut être rapide ou lent… La gestuelle est très teintée de la volonté de polariser."
Ébéniste à ses heures, Bernier a élaboré lui-même une scénographie complexe de tatamis qui changent de position selon les tableaux. Une mouvance qu’on retrouve dans les éclairages où les vidéos abstraites de Martin Lemieux sont utilisées comme source de lumière et conjuguées à la création de Lucie Bazzo. Quant à la trame sonore, elle est signée Laurent Maslé, un autre collaborateur de longue date de Danse-Cité.
Du 24 janvier au 2 février
Au Studio du Monument-National