À présent : Les envahisseurs
Scène

À présent : Les envahisseurs

À présent, la plus récente production de La Manufacture, plonge le public dans un univers trouble où règnent l’inconscient et les instincts.

Avec À présent, Catherine-Anne Toupin s’éloigne d’un théâtre réaliste pour explorer les facettes plus sombres de l’être humain. Son complice Frédéric Blanchette, un metteur en scène des plus actifs cette saison (Les Grandes occasions au Rideau Vert, Couples au Théâtre d’Aujourd’hui), orchestre cette nouvelle production du Théâtre de La Manufacture.

Récemment installés dans un nouvel appartement, Alice (Toupin) et Benoît (David Savard), mariés depuis trois ans, tentent de se remettre d’une douloureuse tragédie personnelle. C’est alors que leurs voisins de palier, la famille Gauche, font irruption dans leur vie. Les membres de cette infernale tribu, envahissants et manipulateurs, reniflent avec une excitation malsaine les faiblesses, les manques et les blessures du jeune couple. Les échanges se font de plus en plus intimes, provoquant de sérieux malaises entre les personnages et beaucoup de rires jaunes chez les spectateurs. Toupin a sans contredit le don d’illustrer avec humour et doigté les petites incompréhensions qui brouillent la communication entre les êtres humains. Puis, la réalité telle qu’on la connaît – avec ses codes sociaux et sa bienséance – fout le camp. Chaque personnage semble profiter de la situation pour combler un vide, sortir d’un isolement ou encore visiter les zones obscures de ses semblables. Le public est témoin d’un étonnant spectacle où cinq convives évoluent dans une réalité parallèle qui laisse libre cours aux pulsions les plus folles. Comme si les protagonistes avaient avalé un sérum de vérité. Certains propos sont tellement ingrats qu’on a tendance à vouloir décrocher, mais on reste rivé à nos sièges devant cet audacieux suspense qui explore également les conséquences de l’érosion du temps sur les relations interpersonnelles.

L’intérêt ne serait pas aussi grand sans l’extraordinaire performance des comédiens. On jubile dès les premiers mots de Monique Miller qui, pour l’occasion, se transforme en une blonde complètement déjantée! L’interprétation de François Tassé dans la peau du mari de cette dernière, ainsi que celle d’Éric Bernier qui incarne le fils de ce joyeux tandem, sont tout aussi énigmatiques et audacieuses. À l’aide d’une mise en scène fluide et réglée au quart de tour, Blanchette a su marier le réalisme et l’improbable, en plus de bien doser le réel et l’imaginaire.

Jusqu’au 23 février
À La Licorne
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