André Melançon : Au nom de la justice
Scène

André Melançon : Au nom de la justice

Après La Promesse de l’aube, André Melançon poursuit son incursion dans la sphère théâtrale en offrant aux adolescents Les Justes d’Albert Camus.

En février 1905, à Moscou, cinq terroristes organisent un attentat à la bombe contre l’oncle du tsar. Kaliayev doit lancer la bombe sur la calèche du grand-duc mais réalise que ce dernier est accompagné de ses neveux. Il est incapable de mettre le plan à exécution. Assassiner des enfants ne fait pas partie de sa mission. Cet événement déclenche un débat parmi le groupe: est-il juste d’abolir le despotisme en sacrifiant la vie de jeunes innocents? Avec Les Justes, Camus a voulu présenter des personnages d’assassins qui éprouvent des sentiments comme tout le monde: la peur, l’amour, la pitié.

Il y a déjà quelques années qu’André Melançon souhaitait proposer la pièce de Camus au public adolescent du Théâtre Denise-Pelletier. "Quand j’ai commencé à penser à monter Les Justes, explique-t-il en avouant que cela coïncide peut-être un peu avec les événements de septembre 2001, c’était pour ces jeunes-là, dans l’espoir de leur faire comprendre ce qui motive des êtres humains à poser des gestes aussi brutaux." Chez les adultes aussi bien que chez les adolescents, il est bien vrai que l’on se pose rarement des questions de fond sur le terrorisme. "La plupart du temps, estime le metteur en scène, on se limite à une réaction spontanée, une réaction que se nourrit de peur ou d’ignorance: ce sont des malades, des fous, des fanatiques… Je ne propose pas d’endosser ces gestes-là, seulement de se poser de vraies questions autour d’eux." Ainsi, afin de mieux comprendre ce qui pousse l’être humain à se révolter aujourd’hui, le créateur propose de se plonger dans les coulisses de l’histoire.

UN RÊVE COLLECTIF

Créée à Paris en 1949, alors que la ville peinait à se remettre du choc de la Deuxième Guerre mondiale, la pièce de Camus s’inspire d’événements qui se sont déroulés en février 1905, à Moscou. Ici défendue par Roch Aubert, Maxime Denommée, Claude Despins, Gérald Gagnon, Denis Gravereaux, Jacinthe Laguë, Philippe Lambert, Dominique Leduc et Jean-Dominic Leduc, l’oeuvre expose les justifications politiques, philosophiques et parfois amoureuses qui poussent les révolutionnaires à agir avec violence. Elle cerne les tourments et les angoisses qui découlent d’actions souvent courageuses même si elles sont condamnables.

"Les personnages sont des jeunes, explique celui qui a consacré une grande partie de sa carrière cinématographique à la jeunesse. Ce sont de jeunes révolutionnaires qui commettent des actes terribles, mais qui se posent des questions sur le bien-fondé de leur action. Le grand talent de Camus, c’est de montrer les différentes facettes de cette implication idéologique. Il y a des motivations diverses, des visions différentes de ce que doit être l’acte terroriste. Il y a même des confrontations et jamais l’auteur ne donne raison à l’un ou à l’autre."

Au centre du groupe, il y a Kaliayev, un jeune idéaliste incarné par Denommée. "C’est un amoureux de la vie, lance Melançon. C’est fascinant! Il y a dans ce groupe de révolutionnaires qui acceptent de tuer des jeunes qui croient beaucoup à la vie. Ils ne posent donc pas ces gestes pour se retrouver avec 60 vierges dans l’au-delà, ils ne cherchent pas un gain personnel, ils le font pour apporter un changement à des conditions de vie inacceptables, effarantes, désastreuses. En Russie, au début du 20e siècle, le peuple crevait de faim! En somme, ces jeunes sont liés par un rêve collectif, un rêve qui est très porteur."

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ALBERT CAMUS

On se réjouit au plus haut point de voir André Melançon porter ces jours-ci Les Justes à la scène. C’est que le théâtre de Camus est assez peu monté au Québec. On se souvient qu’en 2004, Olivier Aubin s’est approprié Les Justes. Le spectacle a été présenté à la Salle Fred-Barry. En mars 1993, Brigitte Haentjens, alors directrice artistique de la Nouvelle Compagnie Théâtrale (l’ancien nom du Théâtre Denise-Pelletier), réunissait Marc Béland, Jean Petitclerc, Luc Picard, Wajdi Mouawad, Marthe Turgeon et quelques autres dans Caligula, une production mémorable, l’un des plus grands succès de la compagnie, une rencontre unique. Au même moment, au Théâtre du Nouveau Monde, René Richard Cyr dirigeait Han Masson, Robert Lalonde, Kim Yaroshevskaya et quelques autres dans Le Malentendu. Le thriller philosophique – c’est ainsi que le metteur en scène décrivait la pièce à l’époque – a marqué lui aussi les esprits et l’histoire de la maison. À quand une nouvelle saison Camus?

Jusqu’au 13 février
Au Théâtre Denise-Pelletier
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