Anne Teresa De Keersmaeker : Retour aux sources
Anne Teresa De Keersmaeker, figure majeure de la danse contemporaine belge, présente Fase, la création qui marqua le début d’une carrière exceptionnelle.
Après deux ans passés au Mudra, l’école de danse que Maurice Béjart a montée à Bruxelles, Anne Teresa De Keersmaeker part à New York pour parfaire sa formation auprès de la génération des postmodernes. De son séjour d’une année, elle ramène un court solo créé sur Violin Phase, une musique de Steve Reich, un des compositeurs préférés des chorégraphes contemporains. Avec la complicité de Michèle Anne De Mey, qui deviendra bientôt son interprète fétiche, elle y ajoute trois duos sur d’autres oeuvres du minimaliste états-unien. Créée en 1982, Fase, four movements to the music of Steve Reich innove en repoussant les limites du travail sur la relation entre danse et musique.
La pièce est tellement bien reçue que la jeune artiste fonde dans la foulée la compagnie Rosas, qui obtient d’emblée un vif succès. Elle est alors âgée de 22 ans. Un quart de siècle plus tard, la chorégraphe revisite cette oeuvre de jeunesse. "Fase est une pièce où l’on explore l’espace et la relation avec la musique d’une façon presque mathématique, explique-t-elle. En même temps, c’est fait avec une énorme charge physique et émotionnelle, dans une rigueur abstraite basée sur une logique. Je l’ai souvent reprise, puis elle a disparu pendant une dizaine d’années, et elle est revenue. J’ai l’impression qu’elle se tient en soi et qu’elle reste une proposition très fraîche. Personnellement, je la sens mieux qu’il y a 25 ans. J’ai plus de facilité à y trouver un souffle." La spirale, mouvement typique du style Keersmaeker, s’articule déjà dans la notion de pivot. La complexité rythmique qui va caractériser toutes ses compositions chorégraphiques s’exprime aussi clairement. L’ensemble, très rigoureux, demeure ludique et porte même un brin d’humour.
"La musique a toujours été mon premier partenaire, poursuit la créatrice. Selon sa nature, il peut y avoir une multitude de stratégies chorégraphiques et c’est ce qui m’intéresse. Pour ce qui est de Reich, je trouve qu’il est le plus cohérent de tous les minimalistes américains en termes de discours musical. Sa musique est faite d’idées extrêmement simples mais extrêmement fortes que j’ai toujours vécues comme des invitations à la danse." Au fil du temps, Steve Reich est un partenaire récurrent. Parmi les moments-clés de l’histoire de la compagnie, on note les pièces Drumming (dont Ginette Laurin utilisera la musique en 1999 pour composer La Vie qui bat), Rain, Octet et même Steve Reich Evening.
"C’est une musique répétitive alors il y a une grande économie de moyens, commente De Keersmaeker. Le vocabulaire est basé sur un processus qui s’apparente à un événement dans la nature, un événement qui suit sa propre logique. Par sa répétition, par la présence très forte de pulsations, c’est une musique qui invite à la danse et, en même temps, qui laisse beaucoup de liberté." Ainsi, dans la pièce présentée ces jours-ci à l’Usine C, les deux danseuses commencent par reproduire la structure rythmique de la musique, jusqu’à ce que l’une d’elles accélère le tempo et transforme progressivement le lien entre le rythme et la mélodie.
Empêchée par des ennuis de santé, la vieille complice de la chorégraphe est remplacée par Tale Dolven, une Norvégienne de 27 ans qui a suivi la formation à P.A.R.T.S. (l’école de danse créée en 1995 par De Keersmaeker) et qui a intégré la compagnie il y a deux ans. "Je l’ai choisie parce qu’elle a une très grande rigueur et un très beau rayonnement, déclare celle qui, depuis les années 90, crée son langage chorégraphique en lien avec des interprètes choisis pour leurs spécificités. C’est aussi quelqu’un qui a une notion d’écoute dans l’espace que j’apprécie beaucoup."
Du 29 janvier au 1er février
À l’Usine C
Voir calendrier Danse