Dominique Porte : Dans sa bulle
Dominique Porte revient visiter Québec avec une pièce créée en 2004, Plus seule qu’en solo. Entre rapport à l’autre et à l’espace, portés par l’impulsion du mouvement, deux danseuses et deux musiciens vous convient à entrer dans leur bulle.
Plus seule qu’en solo suggère une chose et son contraire. Comment être plus seule que seule? Dans son rapport à l’autre, croit la chorégraphe d’origine française Dominique Porte, installée au Québec depuis de nombreuses années. Il y aurait dans la solitude quelque chose qui est de l’ordre de l’entièreté, alors que, quand cette bulle se heurte à l’autre, à l’extérieur, elle peut créer une rupture, un sentiment d’étrangeté. "Le titre vient de l’idée que chacun peut créer sa propre bulle d’intimité… Parce que quelque part, quand on est seul, on est entier avec ce qu’on est, avec l’espace qu’on s’accorde. Plus seule qu’en solo, ça peut être aussi à deux!" explique la chorégraphe, qui est également interprète dans la pièce présentée par La Rotonde.
À cette idée est venue s’ajouter une expérience personnelle où l’artiste, appelée à danser un solo à Tokyo pour un chorégraphe japonais, s’est retrouvée confrontée à un autre monde: "Le chorégraphe ne me disait jamais rien, j’avais les corrections dans la loge, écrites sur un bout de papier… Je suis habituée de créer mes solos et là, ce n’était pas mon état d’âme, ni mes mouvements, il n’y avait pas de communication, tout le monde parlait japonais… Je me sentais vraiment plus seule qu’en solo!"
À partir de cette solitude, la chorégraphe explore dans sa pièce comment se construisent les relations, les prises de contact avec l’autre. Ces relations qu’on entretient avec le monde extérieur sont comme autant d’impulsions, de rencontres fugitives, comme une suite de tableaux qui communiqueraient entre eux par un fil ténu, presque invisible, mais qui lierait en quelque sorte le chaos continuel où les êtres sont plongés. Cette thématique de la rencontre, présente dans plusieurs oeuvres de Mme Porte, s’actualise dans les liens qu’entretiennent les danseuses et les musiciens sur scène, et dans leur façon de réagir l’un à l’autre. "J’ai vraiment intégré les musiciens [Laurent Maslé à la musique électronique et Charles Papasoff aux instruments] dans l’espace… La musique vient amplifier ou suggérer des émotions qui pourraient venir de l’intériorité de la personne."
La chorégraphe avoue d’ailleurs avoir une affection particulière pour le chaos. Un voyage en Inde il y a quelques années lui a révélé à quel point ce dernier contenait en lui-même un ordre précaire fascinant, qui participe d’une pulsion, d’un état des choses existant en dehors de la pensée rationnelle ou d’un quelconque "concept" intellectualisé. Cette fascination, on la retrouve chez Porte dans sa façon de concevoir le geste, où la forme est plutôt un résultat qu’une intention. "C’est vraiment l’énergie qui est l’impulsion, qui crée la forme dans l’espace. Comme si l’esprit se faisait déjouer par le mouvement, par l’impulsion… et parfois, c’est ça qui crée le dialogue entre Victoria [May, l’autre interprète] et moi. C’est comme de petits moments de vie, toujours fugitifs, où l’équilibre est toujours précaire. Comme si le corps prenait le dessus et devenait un véhicule à transformer la présence. Ce qui m’intéresse, c’est l’aspect viscéral de la personne", conclut l’artiste.
Du 24 au 26 janvier
À la salle Multi
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