Ce qui meurt en dernier : Le coeur au ventre
Dans Ce qui meurt en dernier, Christiane Pasquier inscrit les mots de Normand Chaurette jusque dans les profondeurs de sa chair.
En créant Ce qui meurt en dernier, délectable partition de son complice Normand Chaurette, Denis Marleau boucle une saison exemplaire. Après Othello, une première et très concluante rencontre avec Shakespeare, le metteur en scène attitré de la compagnie Ubu pousse Christiane Pasquier dans un douloureux combat, une épreuve où le personnage s’abîme mais dont la comédienne sort plus que victorieuse.
Virtuose, c’est le mot qui nous vient spontanément à l’esprit au sortir de ce spectacle. Une comédienne au sommet de son art. Un auteur qui n’a plus rien à prouver et qui nous en met pourtant plein les oreilles. Un metteur en scène qui entrelace geste, intonation, musique et projection avec maestria. Avouons-le, il est rare, très rare que tous nos sens de spectateurs soient à ce point sollicités. Et de surcroît par une représentation aussi dépouillée. Ici, rien n’est laissé au hasard, rien n’est superflu. Dans les habits de Martha, héroïne, victime, lectrice et narratrice de sa propre histoire, une femme seule que son amour bafoué pour une autre femme dévore au point où elle souhaite férocement que Jack, mythique éventreur s’il en est, vienne la soulager en lui ouvrant les entrailles, Pasquier est incandescente. Avec un personnage aussi torturé, mais non dénué d’humour et d’esprit, la comédienne parvient à nous émouvoir profondément. Dans les remous des mots, dans tous les registres, qu’elle foule la scène ou arpente la salle, qu’elle exprime le raffinement ou qu’elle se roule dans la fange, toujours elle garde le cap.
Le décor de Michel Goulet, les projections vidéo de Stéphanie Jasmin et les éclairages de Marc Parent offrent autant de finesse. Sur scène, deux chaises blanches. Au fond, un grand parallélépipède, castelet sur lequel glissent des gouttes de pluie virtuelles, miroir aux alouettes où apparaît Jack (Pier Paquette), mystérieux visiteur, sublime et inquiétante projection de l’esprit. Comme l’écrit Chaurette dans le programme de soirée, ce qui meurt en dernier, en réalité, c’est ce qui ne meurt jamais. Ce fil qui traverse le temps et les âges, c’est le désir. La pérennité du désir, la supplique de Martha en est la preuve, percutante, indubitable.
Jusqu’au 9 février
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