La Mouette : Éclat sombre
Scène

La Mouette : Éclat sombre

La Mouette, mise en scène par Frédéric Dubois, résulte de 2 ans de fréquentation de Tchékhov et de son oeuvre. Pour austère qu’elle paraisse, cette version n’en est pas moins audacieuse.

Treplev aspire à devenir écrivain; il est amoureux de Nina, qui souhaite devenir comédienne. Autour d’eux, Arkadina, mère de Treplev, elle-même comédienne, qui se raille du désir de son fils de créer des formes littéraires nouvelles; son amant, auteur connu, et quelques autres. Tous, aspirant à autre chose.

Comme souvent chez Tchékhov, La Mouette met en scène des existences insatisfaites, des vies gâchées: amours impossibles, aspirations contredites. À cet aspect dramatique, le regard de Tchékhov sur l’humain et son impuissance, se marie un côté léger, souvent émouvant, image même de la vie réservant parfois en un même souffle rire et tragédie.

Dans la mise en scène de Frédéric Dubois, les mouvements de groupe, joyeux, dans lesquels chacun s’agite, joue et rit, malgré les drames sous-jacents, se passent en retrait. Le décor, à cet égard, est éloquent: derrière une baie vitrée, fenêtre menant sur une cour en été, sur une pièce tendue de rideaux à la saison froide, se déroulent ces scènes plus vives, en marge de l’action principale. Celle-ci – aveux, querelles, confidences – se joue à l’avant-scène, sur un plateau peu encombré : un divan, quelques chaises, un piano, résolument fermé, en une image très forte. Le décor est moderne, froid, par les matériaux, les couleurs. Y répondent les costumes, en général très sobres, et l’éclairage, lunaire. L’ensemble donne à la pièce un caractère à la fois contemporain et intemporel : le drame de ces personnages cherchant leur place, cherchant l’amour est de tout temps, immuable, nous disent auteur et metteur en scène.

Les comédiens, tous remarquables, malgré quelques inégalités chez Maxime Noël-Allen, dans le rôle difficile de Treplev, jouent en finesse et en profondeur, comme recueillis sur ce texte et ses mystères. Soulignons l’interprétation bouleversante de Jean Guy en Sorine, oncle de Treplev au soir de sa vie, "l’homme qui a voulu", dit-il de lui-même, et la prestation magnifique de Marie-Hélène Gendreau, Nina, dans la délicate scène finale.

Frédéric Dubois a fait le pari d’explorer le versant sombre de Tchékhov. Si la proposition est faite avec la plus grande cohérence, tant dans l’esthétique que dans le jeu, il en résulte un spectacle grave, exigeant, un peu aride. Qui offre cependant une vision singulière, un visage inattendu de Tchékhov.

Jusqu’au 16 février
Au Théâtre de la Bordée
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À voir si vous aimez /
La mélancolie des auteurs russes, le jeu tout en finesse et intériorité, les images en clair-obscur.