Terre océane : La cérémonie des adieux
Terre océane, pièce de Daniel Danis mise en scène par Gill Champagne, propose un parcours poignant, que porte un souffle poétique vibrant.
Antoine, 40 ans, reçoit une visite: celle de son fils adoptif Gabriel, 10 ans, qu’il a à peine connu, séparé de lui alors que l’enfant était encore tout bébé. Gabriel porte avec lui un lourd bagage: atteint d’une rare forme de cancer, il sait que ses jours sont comptés. Débarquant dans le quotidien de son père, il bouscule sa vie, la transforme. Accueillant avec surprise celui qu’il a tant souhaité rencontrer, Antoine doit, en même temps qu’il le découvre, apprendre à le laisser partir. Quittant la ville et son travail accaparant, Antoine retourne à la campagne chez son oncle Dave, qui lui a toujours tenu lieu de père. Ces "deux pères" prendront soin du garçon, l’entoureront, riront avec lui, le menant jusqu’au douloureux seuil qu’ils s’aideront tous trois à franchir.
Cérémonie de reconnaissance et d’accueil, Terre océane devient aussi une cérémonie d’apprivoisement de la mort, à laquelle chacun participe. Dans la simplicité et les mouvements de pure tendresse, dans les gestes doux, parfois pleins de folie, où se conjuguent imaginaire, symboles et invention pour transformer ce passage en une expérience lumineuse, une célébration de la vie.
Comme écrin à cette marche sacrée, le décor de Jean Hazel. Dépouillé, en partie mobile, il se modifie: ses arêtes et ses angles, ses hauteurs et leur vertige iront s’aplanissant, au fil de l’histoire; par les éclairages, il se transforme, devenant toit de grange, lit, champ de neige. Autour: le vide; plus rien ne compte pour ces personnages que le voyage à faire.
Quatre comédiens québécois et français servent avec émotion et retenue ce texte superbe. Mises à part quelques surprises dans le débit, d’abord difficile à saisir, d’Arnaud Aubert, chacun fait exister avec ferveur la tendresse, la vivacité et le lyrisme de la pièce. À souligner, l’interprétation étonnante de vérité et de sensibilité de Marie Pascale dans le rôle de Florine, la chienne de la maison.
Le texte de Daniel Danis, dont c’est la création, est magnifique : sonorités étonnantes, mots colorés, images puissantes nomment ici la souffrance mais surtout, la beauté du monde, s’égrenant comme autant de galets rares et doux. On reconnaît là le regard singulier de l’auteur, que donne à voir, à travers des images pures, la mise en scène imposante de Gill Champagne.
Jusqu’au 16 février
Au Grand Théâtre
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Le jeu recueilli, la force symbolique des images, le pouvoir rituel du théâtre.