Claude Régy : Être ou ne pas être
Scène

Claude Régy : Être ou ne pas être

Claude Régy est de retour à l’Usine C pour faire découvrir aux Montréalais l’écriture singulière du dramaturge norvégien Arne Lygre.

En 2005, trois ans après sa création par le metteur en scène français Claude Régy, l’Usine C avait le privilège d’accueillir 4.48 Psychose. La pièce de Sarah Kane, exigeante, désespérée, vertigineuse, était défendue avec une rigueur peu commune par Isabelle Huppert. Ces jours-ci, Régy, véritable monument du théâtre hexagonal, grand découvreur d’écritures nouvelles, est de retour dans la Métropole pour nous révéler l’univers étrange et confrontant de l’écrivain norvégien Arne Lygre.

Octogénaire, Régy est sans nul doute l’un des piliers de la scène théâtrale française. Dans les années 60 et 70, il a créé certaines des pièces de Duras et Sarraute. Avec sa compagnie, Les Ateliers Contemporains, il a exposé la France à une foule de nouvelles voix. Mentionnons Pinter, Stoppard, Bond, Handke, Strauss et Fosse. L’automne dernier, aux Ateliers Berthier du Théâtre de l’Odéon, Régy continuait à emprunter les chemins de traverse en créant Homme sans but, le texte d’un dramaturge norvégien au seuil de la quarantaine, pour ainsi dire inconnu en France.

Traduit par Terje Sinding et maintenant publié à L’Arche, le texte de Lygre a immédiatement séduit Régy. "Il m’a tout de suite intéressé à cause de l’utilisation du faux-semblant, cette création d’un monde artificiel qui est très proche d’un jeu virtuel comme Second Life. Cela donne des personnages qui sont et qui ne sont pas, des individus qui n’ont pas de passé, qui travaillent sur commande, qui sont payés pour être ce qu’ils ne sont pas. Bien entendu, cela occasionne un trouble dans les rapports. En même temps, on s’aperçoit que la simulation est extrêmement proche de l’état de réalité. Il n’y a pas vraiment de frontière. Il y a donc sans doute quelque chose d’artificiel dans ce qu’on prend pour le réel."

Évidemment, on ne peut s’empêcher ici de faire un parallèle avec le théâtre. "C’est en effet totalement semblable, acquiesce le metteur en scène. Le théâtre est ce que Vitez appelait un jeu de leurre. Les gens ne cessent pas de croire à ce qui se passe sur la scène parce qu’ils savent que les acteurs sont payés. Je pense qu’on s’approche mieux de ce qui pourrait ressembler à la vérité par la falsification que par la peinture exacte du réel."

Claude Régy, c’est bien connu, considère le comédien comme un canal entre le texte et le spectateur. De ses acteurs, il exige une grande rigueur, un dépouillement qui contribue, selon lui, à la clarté du message. Pour l’homme, le théâtre commence quand on s’éloigne du spectacle, quand on échappe au réalisme. Cette quête, elle est tout aussi flagrante chez le metteur en scène que chez l’auteur norvégien pour lequel il se passionne. "Comme Jon Fosse, Lygre tente de débarrasser la scène nordique du réalisme. C’est exactement là que ça rejoint mes préoccupations. Je suis tout à fait acharné à fuir le réalisme par tous les moyens." Si la pensée de Régy vous intrigue, plongez-vous dans l’un de ses ouvrages publiés aux Solitaires Intempestifs. Le plus récent s’intitule Au-delà des larmes.

Jusqu’au 16 février
À l’Usine C
Voir calendrier Théâtre

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ACTIVITES PARALLELES

Plusieurs activités soulignent la présence de Régy et de son équipe. Le 8 février à 16 h, à la Cinémathèque québécoise, on projette Mon cas de Manoel de Oliveira, un film mettant en vedette Bulle Ogier et Axel Bogousslavsky, deux des acteurs d’Homme sans but. Le 9 février à 11 h 30, à l’Usine C, Régy se prête au jeu de la rencontre-conférence (rés.: 514 521-4198). Le même jour, à 17 h, à la Cinémathèque québécoise, on pourra voir Nathalie Sarraute: Conversations avec Claude Régy, un film réalisé en 1989. Les projections se feront, bien entendu, en présence de Régy et Ogier. Le 10 février, à 18 h, après la représentation, on projette au Café de l’Usine C trois films d’Alexandre Barry: Claude Régy, par les abîmes, Claude Régy, la brûlure du monde et Bulle Ogier, présence non identifiable. Signalons en terminant que le metteur en scène français profitera de sa présence à Montréal pour offrir une classe de maître aux étudiants en mise en scène et en jeu de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM.