Corps et Âme : Sur le seul
Scène

Corps et Âme : Sur le seul

Véronika Makdissi-Warren met en scène Corps et Âme de John Mighton, une pièce développant situations et personnages inquiétants, avec esprit et finesse. Solitude en partage.

Décidément, l’auteur canadien-anglais John Mighton est en vogue ces temps-ci: Possible Worlds (porté à l’écran par Robert Lepage) et Half Life prennent l’affiche à Montréal, tandis que Body and Soul (traduit par Fanny Britt) est présenté à Québec. "Cet univers scientifique me fascine", lance Véronika Makdissi-Warren à propos des textes de ce docteur en mathématiques et en philosophie. "Une intelligence incroyable s’en dégage. Mais il ne faut pas penser que, dans Corps et Âme, il y a des théories toutes les deux secondes; ce n’est vraiment pas le cas. En fait, la pièce porte beaucoup sur la réalité virtuelle. Je trouve intéressant de voir comment quelqu’un peut devenir accro à ça et balayer tout ce qu’il y a autour de lui de vivant, finalement. Aussi, on y aborde les fantasmes. Jusqu’où on est capables d’aller pour assouvir nos désirs? À partir de quand ça devient malsain?" Des questions que soulèvent l’histoire d’Henri, palliant son manque de passion pour sa femme Sylvie par le virtuel, ainsi que celle de Jeanne, la soeur thanatopractrice de cette dernière. "Toutes ces personnes vont se retrouver seules", observe-t-elle, non sans y aller d’un rapprochement avec Le Psychomaton, sa dernière mise en scène. "Des "tout-seuls" devant une machine… Cela dit, il ne s’agit pas du même genre de théâtre. Là, le ton est plus intellectuel. Mais en même temps, c’est très comique. Tout est en retenue, avec un humour canadien-anglais qu’on ne connaît pas beaucoup, plein de finesse et même un peu absurde. On se parle, mais on ne se comprend pas et ça devient extrêmement drôle."

Dans cette optique, la mesure s’imposait. "L’acteur n’a pas à se déployer dans des émotions extraordinaires; tout ressort sans qu’on ait grand-chose à faire, note-t-elle. Il s’agit d’un jeu assez minimaliste, mais dont émane un humour incroyable. Aussi, même si c’est réaliste et qu’on pose des gestes quotidiens, il y a beaucoup de sous-texte, de tension; on a vraiment un sentiment d’étrangeté à imposer." De même, la scénographie reste sobre, tandis que le recours à la vidéo se veut en synergie avec la présence humaine. Autant dire qu’à son grand bonheur, elle constate une certaine parenté avec les autres productions du Théâtre Niveau Parking (Lentement la beauté, notamment). "Comme ça commence et ça se termine dans le laboratoire de thanatopraxie, pour moi, tout se passe là. La mort rôde… C’est l’impression que j’ai voulu créer en établissant des liens avec les accessoires; par exemple, une table pour embaumer peut devenir une table à manger, illustre-t-elle. La mort fait partie de nous, même si elle demeure tabou, et ça m’importait qu’on en parle, qu’on le sente. Tout comme je désirais mettre l’accent sur l’incompréhension. Ce sont presque toujours des scènes à deux, mais il n’y a jamais de rencontre. C’est troublant…" Ce qui l’amène à conclure: "Les gens vont peut-être être un peu mal à l’aise, et c’est correct, dans le sens où il s’agit d’un univers étrange. La mort, la sexualité virtuelle, ce sont des choses qu’on ne voit pas souvent live devant nous. En même temps, on éprouve une attirance envers ça…"

Du 12 février au 8 mars
Au Théâtre Périscope
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