Theodor Cristian Popescu : Quand le passé revient
Avec La Femme d’avant, Theodor Cristian Popescu se frotte pour la troisième fois à l’oeuvre du dramaturge allemand Roland Schimmelpfennig.
Installé au Québec depuis 2003, le metteur en scène roumain Theodor Cristian Popescu s’intéresse tout particulièrement à la dramaturgie contemporaine allemande. Après Push up (2005) et Une nuit arabe (2007), il clôt, avec La Femme d’avant, un cycle consacré à Roland Schimmelpfennig, un auteur qui a exactement son âge. "J’aime la manière très honnête, presque cruelle, qu’ont les auteurs allemands de poser des questions sur la nature humaine. Je crois que ce courage est lié à leur passé historique. Après la Deuxième Guerre mondiale, ce peuple a senti le besoin de partir à la recherche de son identité. Cela a donné un théâtre très vivant."
La pièce raconte l’histoire de Franck et de Claudia (Sacha Samar et Chantal Dumoulin), un couple dans la quarantaine qui se prépare à déménager à l’étranger. Un soir, Romy (Cristina Toma) cogne à la porte. Elle n’a jamais oublié que, 24 ans plus tôt, Franck lui avait fait la promesse de l’aimer toujours. Et elle vient maintenant réclamer son dû. "La pièce se déroule au cours d’une seule nuit, explique Popescu. Elle est construite autour d’une obsession, celle du premier amour qui établit parfois un système de référence pour tout ce qui vient après. Romy veut que Franck se souvienne et qu’il honore sa promesse."
Selon le metteur en scène, l’action prend peu à peu des allures cauchemardesques. "La situation a quelque chose d’irréel et l’auteur lui-même joue avec la notion de mauvais rêve. On peut percevoir Romy comme une matérialisation de la peur qu’éprouve Franck devant le dernier segment de sa vie. Ce qui expliquerait qu’il se remémore une image de sa jeunesse perdue." Dans cette situation, Popescu s’est obstiné à ne pencher pour aucun personnage. "Mon but ultime est de ne condamner aucun personnage, pour que le public ne puisse prendre parti ni pour l’un ni pour l’autre." À en croire le metteur en scène, la pièce explorerait une thématique typiquement allemande, celle de l’échec. "Chacun des personnages de la pièce croit sa vie tracée d’avance. Mais tous s’aperçoivent que rien n’est jamais définitif. Voilà pourquoi tout le monde échoue. En ce sens, l’oeuvre explore aussi la question du destin."
La construction dramatique de l’oeuvre évoluerait en quelque sorte au gré des impulsions des personnages. "Afin d’offrir une nouvelle expérience aux spectateurs, Schimmelpfennig change de structure dramatique pour chaque pièce. Ici, il propose de sauter d’une scène à l’autre à l’aide de retours en arrière et d’indications temporelles. Il guide l’intérêt des spectateurs jusqu’à un point, puis, quand ils sont prêts à recevoir l’information, il les amène ailleurs. C’est une construction qui ressemble à un puzzle, mais qui est dotée d’une logique très précise. Je vois ce procédé comme une manipulation empreinte de cynisme de la part de l’auteur."
Du 12 février au 1er mars
Au Théâtre Prospero
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