Peggy Baker : Trois fois passera
La chorégraphe-interprète torontoise Peggy Baker nous invite à découvrir trois oeuvres enthousiasmantes, dont une première mondiale signée James Kudelka.
On l’attendait déjà la saison dernière à la Cinquième salle mais une blessure au pied l’avait empêchée de venir nous offrir en primeur deux de ses oeuvres et une pièce chorégraphiée par James Kudelka. Le Festival TransAmériques nous avait malgré tout donné la chance de profiter de son immense talent d’interprète à l’Agora, dans un spectacle de Sarah Chase où dansait également Andrea Nan.
D’ailleurs, on se réjouit que Peggy Baker ait choisi cette dernière pour interpréter le solo Unfold qu’elle avait composé pour elle-même en 2000, sur les Vingt-quatre Préludes (op. 11) d’Alexandre Scriabine. "Depuis 2002, je transmets mes oeuvres à d’autres danseurs pour les laisser aller, confie la Torontoise d’origine albertaine. L’idée est très répandue en danse contemporaine que la meilleure interprétation d’une oeuvre est de celui ou celle qui l’a créée. Je n’y crois pas nécessairement. D’une certaine façon, je trouve que les pièces de Scriabine deviennent plus signifiantes en termes de composition et que leur potentiel expressif est accru du fait qu’elles sont dansées par quelqu’un d’autre."
À partir des préludes pleins d’émotions que le compositeur moscovite avait écrits dans son jeune âge comme un autoportrait en 24 traits de caractère, Baker avait brossé son propre autoportrait. Elle avait ensuite demandé au pianiste Andrew Burashko – complice de longue date devenu son plus proche collaborateur – de retirer des sections pour danser certaines chorégraphies en silence et en superposer d’autres, interprétant ainsi parfois les chorégraphies de deux pièces en même temps. "C’est très intéressant de laisser ces moments de silence où la mémoire de la musique est encore vivante dans mon corps, déclare-t-elle. Le public voit alors ma réponse à la musique mais sans l’entendre. J’adore danser en silence et je répète énormément sans musique pour mieux aller au coeur des choses et pour que la danse prenne vie par elle-même. Ma réponse à la musique se fait alors beaucoup plus spontanée et plus indépendante."
C’est d’ailleurs en silence que la chorégraphe danse un tout nouveau solo intitulé Portal. "Aucun son ne supporte le visuel, explique Baker. Cela crée un contexte plus ouvert pour le spectateur. Pour l’interprète, les exigences sont plus strictes: il faut articuler plus précisément le mouvement car il n’y a rien pour en amplifier le sens. Je trouve ça très stimulant." Pour corser un peu plus les choses, elle a demandé à un autre vieux complice, l’éclairagiste Marc Parent, de choisir où elle devait se placer pour exécuter les différentes parties de son solo et de confiner sa danse dans des espaces de lumière très circonscrits. Déconstruite pour être dispersée dans l’espace scénique, la courte pièce se décline en vignettes lumineuses parfois entrecoupées de noirs.
La troisième oeuvre au programme, A Woman by a Man, est un pas de deux de James Kudelka, trésor vivant du patrimoine culturel canadien. Il est dansé sur le Trio avec piano n° 2 de Chostakovitch, que Burashko interprète avec le violoniste Olivier Thouin et le violoncelliste Yegor Dyachkov. Généralement associée à la déportation des Juifs de Russie, la musique porte ici la relation forte et conflictuelle entre un homme et une femme attachés l’un à l’autre mais qui ne se voient pas. Baker y danse avec le Torontois Michael Sean Marye.
"C’est une pièce triste mais avec une deuxième section si drôle qu’elle en est presque choquante, commente la danseuse. Le troisième mouvement est comme un film muet, une mémoire simplifiée d’un autre temps, avec une base de motifs de marche principalement. La quatrième section est très physique, c’est le climax. Les quatre mouvements sont très différents, ce qui est très inhabituel, et la réponse à la musique est saisissante."
Du 20 au 23 février
À la Cinquième salle de la PdA
Voir calendrier Danse
Consultez la page de la Série Cinquième salle sur www.voir.ca/5esalle.