Benjamin Hatcher : La mathématique de l’abstrait
Benjamin Hatcher nous parle avec son Âme de son père, de la mort, de la vie, des sciences et des arts. Quand le concret rencontre l’abstrait.
Le point déclencheur, ou de rupture, qui a mené à la pièce Âme sur laquelle le chorégraphe et danseur Benjamin Hatcher travaille depuis près de deux ans, c’est la mort de son père, William Hatcher, en 2005. Mathématicien et philosophe, esprit rationnel et spirituel, M. Hatcher a tenté toute sa vie de montrer que science et art, rationnel et spiritualité, n’étaient pas incompatibles, au contraire: "Mon père, sa grande passion, c’était de trouver l’accord entre la science et la religion, raconte le chorégraphe. Ce qu’on entend souvent, c’est que ou bien on est croyant, irrationnel, ou bien on est rationnel, scientifique. Mais lui, il était convaincu que les deux ne sont pas irréconciliables. Il y a une phrase qui est de mon père et que je trouve très intéressante: "Si la science est une représentation abstraite du concret, l’art, lui, est une représentation concrète de l’abstrait.""
Ce décès a aussi soulevé nombre de questionnements chez l’artiste originaire de Québec, mais qui a fait carrière à Montréal, au sein des Grands Ballets Canadiens notamment: "J’ai reçu une éducation spirituelle où on croyait à la vie après la mort, mais c’était la première fois que j’y étais confronté de près. Ça m’a bouleversé et amené à me questionner de nouveau: en quoi est-ce que je crois vraiment? Est-ce qu’il y a une vie après la mort et si oui, pourquoi on vit sur terre? Bref, c’est quoi le but de la vie? Ce sont les sujets touchés par la pièce, et je crois que les gens se retrouveront dans ces grandes questions que j’ai essayé d’aborder très simplement, par le biais des relations père-fils ou mère-fille, entre autres."
Pour servir son propos, le chorégraphe s’est entouré de deux alliés de taille, soit Pierre Labbé à la musique et Lorraine Pritchard à la scénographie. Le premier est un concepteur sonore qui a oeuvré dans le milieu de théâtre et à qui Benjamin Hatcher a donné la tâche d’incorporer à la trame sonore des extraits provenant de causeries jadis données par son père. "Cependant, la pièce n’est pas une biographie d’un individu, avertit le créateur, mais plutôt un voyage dans des mémoires, des paroles, des réflexions spirituelles qui, j’espère, feront réfléchir le spectateur." Quant à Mme Pritchard, amie de famille de longue date et artiste visuelle, elle a créé des projections à partir d’écrits de M. Hatcher, qui comprennent des formules mathématiques, signes géométriques et autres notes.
RETOUR AUX SOURCES
La science ici sert plus que de trame de fond: elle est une prémisse de base pour Hatcher, qui a créé, avec les cinq autres interprètes, les mouvements en laboratoire de création en s’inspirant de formules mathématiques. Et tout cela à Québec, entouré de danseurs vivant dans la capitale, tels Daniel Bélanger, Véronique Julien et Sonia Montminy. Un choix "nostalgique" pour cet exilé métropolitain qui fait ici un retour aux sources en même temps qu’un retour à l’interprétation. "De façon tout à fait humble, je voulais faire quelque chose pour participer au milieu de la danse d’ici qui, à mon avis, bouillonne plus que jamais", ajoute-t-il.
Et le fait d’interpréter cette pièce toute personnelle lui a donné une perspective différente sur la création, lui qui a chorégraphié uniquement pour les autres ces dernières années. "Je ne me suis pas mis à nu comme ça depuis très longtemps sur la scène… Mais j’y prends énormément plaisir! C’est un défi, car maintenant je suis à l’extérieur mais aussi à l’intérieur de l’oeuvre."
Un petit goût de revenir dans la ville qui l’a vu naître? "L’idée me plaît énormément! On ne se rend pas compte de comment Montréal nous affecte tant qu’on ne quitte pas cette ville pour quelque temps…" C’est quand vous voulez, M. Hatcher.
Les 21, 22, 23, 27, 28, 29 février et le 1er mars
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