Jean-Marie Papapietro : La comédie humaine
Scène

Jean-Marie Papapietro : La comédie humaine

Toujours par souci de faire découvrir des textes peu connus de la dramaturgie contemporaine, Jean-Marie Papapietro s’attaque à trois courtes pièces de Samuel Beckett.

Après une longue carrière dans l’enseignement et au théâtre, en France, en Italie et, depuis 1991, au Québec, Jean-Marie Papapietro fonde, en 2000, le Théâtre de Fortune. Son objectif: faire découvrir ou redécouvrir des auteurs européens méconnus au Québec: Thomas Bernhard, Robert Pinget, Robert Walser, Lydie Salvayre, Georges Brassaï… La plupart du temps, ses spectacles sont des oeuvres intimistes, défendues par de petites distributions, sinon des solos. Ces jours-ci, le metteur en scène confirme la règle en dirigeant Comédie, Berceuse et Catastrophe, trois courtes pièces de Samuel Beckett, parmi les moins connues, écrites respectivement en 1963, 1981 et 1982.

"L’idée, la principale motivation, c’était de proposer Beckett à un grand public, lance Papapietro. Tout simplement parce que, contrairement au stéréotype habituellement véhiculé, ce n’est pas un théâtre pour intellectuels. C’est une langue très simple." Mais pourquoi, parmi les nombreuses courtes pièces écrites par Beckett, avoir choisi ces trois-là? "Je trouvais que ça donnait un aperçu de plusieurs visages de Beckett. On a souvent fait à Beckett une réputation de froideur, d’impassibilité, d’humour noir, mais il y a un côté romantique chez lui. C’est un côté qu’il a peut-être essayé de réprimer, mais qui est bien là. Berceuse, par exemple, révèle sa tendresse pour les humbles, les faibles, les marginaux, les paumés."

Dans Comédie, la plus longue des trois pièces, le ton est bien différent. "Là, Beckett fait parler les acteurs très, très vite, explique Papapietro. Comme s’il voulait les dévitaliser complètement. Mais, il n’empêche que toute l’humanité de cette situation, de ce vaudeville, quoi, finit par passer. Les personnages sont pitoyables, mais dans leur détresse ils arrivent à être émouvants. D’ailleurs, en lisant sur la vie de Beckett, j’ai compris que la pièce était assez autobiographique. L’homme a eu une liaison avec une journaliste pendant pratiquement toute sa vie, en marge de son mariage."

À en croire le metteur en scène, le fil conducteur, le véritable lien entre ces trois pièces, se trouve dans l’attrait que Beckett ressentait pour l’oeuvre de Dante. "Dans L’Enfer, on découvre des dispositifs à faire souffrir les damnés en fonction des péchés qu’ils ont commis. Tout cela fascinait Beckett. Dans Comédie, c’est très net: l’auteur enferme ses personnages dans des jarres. Il n’y a que la tête qui dépasse. Et puis il rajoute un projecteur qui est censé aller extorquer la parole de ceux qui veulent se taire, de ceux qui n’aspirent qu’au silence. On a donc voulu rendre tout ça sur scène. Pour y arriver, on a fait du projectionniste un personnage à part entière, un individu qui n’est pas sans évoquer la figure du bourreau."

Il n’y a pas à dire, le théâtre de Beckett est ce qu’il est convenu d’appeler un théâtre d’acteurs. Dans cette aventure, Papapietro a entraîné avec lui Sophie Clément, Ginette Morin, Christophe Rapin et Paul Savoie, des comédiens qu’il connaît bien et qui sont, pour la plupart, déjà familiers avec la langue de Beckett. "C’est un théâtre dans lequel on ne s’embarque pas si on n’est pas certain d’avoir avec soi des acteurs exceptionnels!"

Jusqu’au 15 mars
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HISTOIRE DE MARIE

À l’Usine C, du 4 au 8 mars, à 20 h, le Théâtre de Fortune reprend Histoire de Marie. Unanimement salué par la critique lors de sa création en 2006, le spectacle s’appuie sur des textes du photographe Georges Brassaï. Sous la direction de Papapietro, Sophie Clément se glisse tout naturellement dans le corps et l’âme de Marie Malarmé, une domestique qui vit dans le Paris des années 40. Dans une mise en scène aussi sobre qu’efficace, la comédienne est drôle et bouleversante, grande et petite, attachante et repoussante. Sous le regard des spectateurs, le personnage revit son passé, ses hantises, ses révoltes, toute cette lutte sans gloire qu’elle a dû mener quotidiennement pour survivre dans un monde qui n’épargne pas les sans-grade. La femme est tout à la fois fière et soumise, révoltée et prête à tous les compromis pour sauver sa peau. Après son passage à l’Usine C, le spectacle s’arrêtera dans quelques maisons de la culture: Plateau-Mont-Royal le 2 mai, Pointe-aux-Trembles le 3 mai, Frontenac le 6 mai, Notre-Dame-de-Grâce le 7 mai, Rosemont-La Petite-Patrie le 8 mai et au Complexe culturel Guy-Descary le 9 mai. Vous n’avez donc pas de raison de le rater. Rés.: 514 521-4493.