Marc Beaupré : Choisir son camp
Marc Beaupré fonde sa compagnie et porte à la scène Le Silence de la mer, le chef-d’oeuvre de Vercors.
C’est grâce à un ancien professeur de cégep que le comédien Marc Beaupré a découvert Le Silence de la mer, une nouvelle publiée clandestinement en 1942, en plein coeur de la Deuxième Guerre mondiale, alors que le régime d’Adolf Hitler était sur le point de gagner sa bataille contre la démocratie. Pour le comédien, bien connu pour son rôle dans la télésérie Deux frères, le choc a été grand. Assez grand pour qu’il décide de fonder sa compagnie – Terre des Hommes – et de porter le texte de Vercors à la scène.
C’est cependant René-Daniel Dubois, qui incarne maintenant l’un des trois personnages de la pièce, qui a décidé Beaupré à mettre en scène la nouvelle de Vercors. "Je considère René-Daniel comme un maître, un mentor. Il m’a enseigné la beauté, m’a incité à nommer ce que je trouve beau. Quand il a su que j’avais envie de monter Le Silence de la mer, il m’a poussé à le faire." Évidemment, quand on signe sa première mise en scène, diriger son mentor, c’est une posture un peu délicate. "C’est très particulier, avoue Beaupré. René-Daniel a un ascendant incroyable sur moi. Je vais chercher son aval chaque fois que je prends une décision. Dans le processus, c’est sûr que je vais me tromper. Mais ce n’est pas grave, ce qui compte, c’est d’honorer ce que René-Daniel m’a appris."
L’histoire se déroule en 1941, au début de l’Occupation. Un officier allemand (Renaud Paradis) épris de culture française est logé de force chez un vieil homme (René-Daniel Dubois) et sa nièce (Sylvie de Morais-Nogueira). Par des monologues prônant le rapprochement des peuples et la fraternité, l’officier tente, sans succès, de rompre le mutisme de ses hôtes dont le patriotisme ne peut s’exprimer que par ce silence actif. Quand il se rend compte que le rapprochement des peuples, prétendu par la propagande nazie de l’époque, n’est qu’un mensonge, l’homme décide de s’engager sur le front de l’Est, là où il trouvera une mort certaine.
Écrit par le résistant Jean Bruller, aussi cofondateur des Éditions de Minuit, Le Silence de la mer a été publié sous le pseudonyme de Vercors, afin d’éviter à l’auteur d’être arrêté et certainement exécuté par la Gestapo. En 1949, une fois la Guerre terminée, l’auteur a adapté sa nouvelle au théâtre. Deux ans plus tôt, Jean-Pierre Melville en avait fait un film. "La pièce est très figurative, explique Beaupré. L’une des choses qui me plaisaient le plus dans la nouvelle, c’est-à-dire le regard que l’oncle porte sur la situation, n’est plus dans la pièce. C’est pourquoi je suis revenu à la source. Pour évoquer la finesse du monologue intérieur de l’oncle, et aussi ce que traverse la nièce, j’ai ajouté des entre-scènes, des moments de narration silencieuse où les personnages se trouvent isolés et où leurs gestes apportent une nuance à la structure générale."
À la veille de sa première, le metteur en scène de 30 ans a de l’espoir à revendre. "C’est une phrase d’Albert Camus qui m’a fait comprendre que le théâtre est une affaire d’espoir. Il a dit qu’il n’avait jamais vu autant de fraternité et d’espoir que dans un vestiaire sportif ou dans une coulisse de théâtre. J’espère que je vais être fier de ce que j’ai fait. J’espère que les gens vont comprendre vers quoi on s’en va!"
Du 26 février au 9 mars
Au Théâtre La Chapelle
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