Chacune de ces trois pièces de Beckett (Prix Nobel 1969) mises en scène par Jean-Marie Papapietro expose une idée, une situation, un angle, sans vraiment développer, sans "expliciter", laissant le spectateur avec le malaise des déductions, à peine allégé par un humour fin qui encadre un portrait passablement sinistre de l’humanité. Et que ça nous plaise ou non, entend-on, l’humanité, c’est nous!

Comédie, la première de ces pièces, représente à elle seule assez bien le triptyque tout comme elle sous-tend une bonne partie de la démarche de Beckett, ne serait-ce que par la métaphore scénique qui montre trois comédiens pris dans des amphores et dont seule la tête dépasse. Non sans rappeler le décor de Oh les beaux jours, Beckett pousse cette fois plus loin l’illusion de la relation en laissant aller des locuteurs qui se croient seuls sur scène, et qui s’adressent aux spectateurs sous l’éclairage implacable d’un puissant projecteur qui semble autant donner la parole que l’extirper des personnages pris dans un triangle amoureux qui, paraît-il, serait un peu autobiographique. Nous devenons témoins des résonances de cet adultère qui s’étalent devant nous et qui réduisent la plainte au monologue de sourd. Nous recevons tout ça dans un débit rapide – les didascalies formeraient une partie intégrante de l’oeuvre – qui serait d’une rare monotonie sans la qualité exemplaire des comédiens et la capacité presque mystérieuse de la construction du texte, écrit initialement en anglais en 1963, qui retient toujours notre attention. Des "tu pues la pute" et autres grossièretés ponctuent ce vaudeville intellectuel qui nous rappelle constamment qu’en matière d’humanité, il n’y a que la tête qui puisse dépasser du marais. Comédie nous place devant la rupture sous toutes ses formes et devant la solitude, ces thèmes dominant les deux autres pièces.

Si Berceuse montre un Beckett plus tendre, elle expose on ne peut plus clairement la marginalité, la solitude et la rupture avec le monde. Et sous les traits d’une situation autour d’un metteur en scène tyrannique, Catastrophe fait un constat plus grave, celui de la perte d’autonomie, de la perte de sens. On ne peut oublier que Beckett fut le secrétaire de Joyce, pour qui l’idée de la catastrophe jouait avec le mythe de la "Grande Pulsation", où l’on apprend à savourer la déchéance, son soulagement, comme à vivre sous le règne du cycle et du rythme.

Jusqu’au 15 mars
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