La Société de Métis : Source d'inspiration
Scène

La Société de Métis : Source d’inspiration

Joël Beddows honore Montréal de sa relecture soignée de La Société de Métis, de Normand Chaurette.

À la tête du Théâtre la Catapulte d’Ottawa depuis 1998, Joël Beddows s’est porté à la défense des pièces de Stéphan Cloutier, Richard J. Léger et Michel Ouellette. En 2005, le metteur en scène s’attaque à La Société de Métis, l’une des premières pièces de Normand Chaurette. Le résultat, plus que concluant, est de passage ces jours-ci dans la métropole.

L’anecdote est simple. Une femme richissime, Zoé Pé, cherche par tous les moyens à s’approprier le portait qu’a fait d’elle un mystérieux peintre. Autour de la reine, des sujets qui opposent leur désespoir aux splendeurs de la nature: Pamela Dicksen, une femme au bord de la folie, Octave Gredin, un homme vulnérable, et Casmir Flore, un impénétrable commissaire des incendies. Nous sommes en 1954, à Métis-sur-Mer. En réalité, nous sommes plutôt dans le souvenir d’un été de 1954. C’est que, sous nos yeux, ce sont les portraits de Zoé, Octave et Pamela qui prennent vie. Recouverts de la poussière des ans, relégués à la tristesse d’un modeste musée, les êtres renouent, pour notre plus grand plaisir, avec leurs rêves et leurs douleurs, un destin tout à la fois tragique et dérisoire. Publiée en 1983, la pièce, que Chaurette a tout de même retouchée pour cette nouvelle production, n’a rien perdu de son impact. Truffée d’humour, l’oeuvre est une brillante réflexion sur le caractère narcissique de l’art. Elle s’articule autour d’une multitude de passionnantes questions philosophiques, et plus précisément éthiques, qui n’ont pas pris une ride.

En Zoé Pé, Érika Gagnon est parfaite, impérieuse et obsessive à souhait. Aux prises avec la détresse de Pamela Dicksen, Lina Blais est frémissante, fragile et fourbe à la fois. En Octave Gredin, aveugle et hypersensible, Hugo Lamarre est attendrissant. Dans les habits de Casmir Flore, Claude Lemieux manque un peu de constance. La lecture de Beddows est particulièrement limpide. Le décor, variations sur le thème du cadre, exprime le caractère cérémoniel de ce qui se déroule sous nos yeux. Les costumes, les coiffures et les maquillages transforment les êtres en oeuvres d’art grisonnantes, souillées par le temps et les fautes. La lumière, cruciale, révèle ou occulte, se glisse, frémissante, entre les feuillages du jardin. Un jardin qu’on quitte à contrecoeur.

Jusqu’au 15 mars
À Espace Libre
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