Les Monologues du vagin : Le mot-dit
La populaire pièce d’Eve Ensler Les Monologues du vagin prendra corps, voix et esprit des deux côtés de la rivière dans une coproduction des plus excitantes.
Vagin. Vulve. Chatte. Con. Cramouille. Fente. Moule. Touffe. Baba. Craque. Noune. Guite. Manchée. Mouche. Nymphes. Platine. Lèvres. Autant de mots utilisés par la comédienne, auteure et activiste féministe américaine Eve Ensler dans The Vagina Monologues pour traiter de cet organe "du deuxième sexe" que l’on n’ose nommer. Autant de mots qui ont été traduits en 22 langues, joués dans plus de 1100 villes à travers le monde et qui portent toujours le même message universel, atemporel: celui de la spécificité féminine, de son épanouissement, de son combat contre les inégalités.
Deux directeurs artistiques de la région, Sylvie Dufour du Théâtre du Trillium à Ottawa et Gilles Provost du Théâtre de l’Île à Gatineau, partageaient le désir de monter cette pièce qui a tourné mondialement et qui est à l’origine du V-Day, une association qui lutte contre la violence envers les femmes. Pourquoi ne pas coproduire alors? Sylvie Dufour a donc fait appel à la traduction existante de Louise Marleau, tout en s’entourant d’une équipe technique entièrement féminine et d’un trio de comédiennes dégourdies: Lyette Goyette, Annick Léger et Nathalie Nadon.
À la surprise générale, la metteure en scène ne s’est pas vue contrainte de répondre à la "longue liste de restrictions" que demande habituellement l’auteure pour l’obtention des droits – à savoir que les comédiennes doivent jouer assises devant un lutrin, texte en mains, tout de rouge habillées et pieds nus. Du jamais vu, semble-t-il. Sylvie Dufour a donc eu toutes les libertés dans sa mise en scène, qui donne davantage dans le jeu que dans la mise en lecture habituelle. "Les comédiennes se trouvent dans une sorte de studio de casting ou d’auditions et on a en quelque sorte reconstitué les entrevues qu’Eve Ensler a réalisées lorsqu’elle a créé Les Monologues du vagin", explique la metteure en scène qui souhaitait rappeler par cette proposition que 200 femmes ont réellement été interrogées pour constituer la matière première du spectacle. "Je me suis posé la question à savoir pourquoi elle imposait habituellement toutes ces règles et je me suis dit: "Elle a rencontré du vrai monde!" Jusqu’où est la fiction dans ce spectacle? Seule l’auteure le sait, donc probablement qu’elle a cherché à protéger ces femmes de la caricature, par exemple."
Une seule condition à la liste d’Eve Ensler devait être remplie: celle que la pièce devait être interprétée par trois comédiennes. "Elle dit l’avoir écrite pour trois et je suppose qu’il y avait une symbolique avec la trinité…" présume la metteure en scène.
CACHEZ CETTE CHOSE QUE JE NE SAURAIS VOIR
"Le vagin, on est tous passés par là, c’est incroyable! lance Sylvie Dufour. On dirait que parce qu’il appartient à la mère, il est considéré comme un objet sacré de la naissance, de l’accouchement. Mais la femme a pris possession de son vagin, elle a dit: "J’ai le droit, je lui touche, il y a une jouissance.""
Il n’y a pas à dire, le sexe féminin est littéralement étudié sous toutes ses coutures dans cette pièce qui est considérée comme un filon important de l’histoire féministe d’aujourd’hui. N’ayant pas son pareil en dramaturgie contemporaine, Les Monologues du vagin se déploie telle une série de monologues tantôt tendres, tantôt durs, tantôt crus et souvent humoristiques. Les femmes représentées parlent de leurs peurs, de leurs désirs, du bonheur d’être femme, mère, maîtresse, mais traitent également des premières menstruations, de l’orgasme, de masturbation – encore combien taboue est la masturbation féminine?!
"On parle aussi du clitoris, cette boule de nerfs qui a 8000 terminaisons nerveuses. Le pénis en détient la moitié moins! Comment se fait-il qu’on n’en soit pas plus fières?" clame Nathalie Nadon, qui défend le personnage qui tient l’atelier sur le vagin, mais qui doit aussi endosser le texte d’un viol. "J’aimerais que ça donne la permission aux gens de parler de tous ces sujets plus normalement! renchérit Lyette Goyette. Pourquoi pas? C’est pas sale! C’est pas anormal! Ça nous appartient, pourquoi ne pas en parler? On parle de nos beaux yeux, de nos beaux seins, après tout!" observe la doyenne de la distribution qui a un "très touchant" monologue sur le récit de l’accouchement de sa petite-fille – expérience qu’elle a vécue.
Pour Annick Léger, qui se dit "la plus pudique de la gang", l’échange que permet la production lui rappelle la solidarité entre femmes. "Ça me fait penser à certaines bonnes chums que j’ai dans ma vie avec qui je partage tout questionnement, toute joie. C’est une sorte de célébration de la femme et des amitiés féminines", note la comédienne qui performe dans un monologue revendicateur contre les tampons, les "becs de canard" [spéculums] et autres g-strings inconfortables. Toutes s’entendent sur une chose: les Monologues sont une "libération", une "célébration de la femme", l’entière, la dévouée, la sensible, l’humaine, la loyale, l’égale à l’homme.
La production Les Monologues du vagin entreprend une série de 20 représentations qui se partagent entre Ottawa et Gatineau. Trois représentations seront ensuite données à Sudbury et le projet d’une tournée est envisagé.
Jusqu’au 15 mars à 20h
À la Nouvelle Scène
Voir calendrier Théâtre
Du 27 mars au 6 avril
À la salle Jean-Despréz
"C’est la [Franco]fête!"
La production Les Monologues du vagin sera présentée dans le cadre de la Francofête qui, du 6 mars au 4 avril, célèbre la langue française et la francophonie à l’occasion du 400e de la Nouvelle-France. Au programme: 13e étage de 8F8M du 6 au 8 mars à la salle Jean-Despréz; le chanteur français Michel Fugain le 10 mars à la salle Odyssée; Arabe et cochonne bio de l’humoriste Nabila Ben Youssef le 13 mars à la salle Jean-Despréz; le chanteur Moran offre Tabac le 14 mars à la Basoche; Yves Lambert et le Bébert Orchestra présentent Le Monde à Lambert au Cégep de l’Outaouais le 28 mars; enfin, Raôul Duguay propose poèmes et chansons avec Pile ou face le 29 mars à la Basoche. Le déjeuner-causerie de la Francofête reçoit Louise Beaudoin qui discourra sur La Francophonie pour vivre en français au Québec le 16 mars à la Maison du citoyen. www.imperatif-francais.org