La Petite Pièce en haut de l'escalier : Chambre d'écho
Scène

La Petite Pièce en haut de l’escalier : Chambre d’écho

Avec La Petite Pièce en haut de l’escalier, Carole Fréchette fait une bien décevante entrée au répertoire du TNM.

Décevante, parce que du texte rempli de possibilités de Carole Fréchette, la metteure en scène Lorraine Pintal n’a pu extraire qu’un spectacle cruellement banal. Imaginez. Une femme qui vient de se marier emménage dans la maison de son nouvel époux: 28 pièces dont elle peut jouir à son gré. L’opulence, la vraie. Seulement, Grâce n’a qu’une seule envie: pénétrer La Petite Pièce en haut de l’escalier, la seule dont Henri lui interdit formellement l’accès. Derrière cette porte, il y a… toutes les horreurs du monde, tout ce que votre inconscient pourra y placer de plus horrible. Imaginez.

Mais c’est précisément là où le bât blesse. L’imagination n’est pas au rendez-vous. Quand la fameuse porte s’ouvre sur la scène du TNM, il n’y a rien de terrible, rien d’angoissant, rien en tout cas qui ne soit digne d’ébranler Grâce à ce point. Sur l’immense plateau presque vide, la jeune femme est en état d’alerte. Autour d’elle, émergeant de trappes, sa mère Jocelyne (caricaturale Louise Turcot), sa soeur Anne (touchante Julie Perreault), son mari Henri (monolithique Henri Chassé) et Jenny, la bonne (correcte Tania Kontoyanni), font des apparitions pour le moins culpabilisantes. Qu’est-ce qui empêche Grâce la choyée d’être heureuse? Qu’est-ce qui la ronge? Chaque nuit depuis l’enfance, avant de sombrer dans le sommeil, elle pleure toutes les larmes de son corps. Pour cette princesse qu’on a condamnée au bonheur, pousser la porte de la chambre close, c’est précisément affronter ses démons, aller à la rencontre de ce qui la dévore depuis tout ce temps. Isabelle Blais endosse cette douloureuse quête avec toute la conviction qu’on lui connaît. Le défi est grand puisque la pièce entière repose pour ainsi dire sur ses épaules. Ce qui n’aurait pas dû être le cas! La mise en scène aurait dû refléter davantage cette descente aux enfers, en faire plus pour nous entraîner dans les recoins les plus noirs de cette âme torturée. Après tout, nous sommes ici en pleine psychanalyse des contes de fées, un territoire exceptionnellement fertile.

Ne serait-ce que par son caractère polyphonique, la partition était une matière toute désignée pour Lorraine Pintal. Avec Une adoration de Nancy Huston, Les oranges sont vertes de Claude Gauvreau, L’hiver de force de Réjean Ducharme et combien d’autres textes, la metteure en scène et sa complice, la scénographe Danièle Lévesque, ont fait des merveilles baroques, des spectacles où l’émotion et l’image frappent de pair. D’où vient que le tandem nous offre une représentation aussi sage, aussi désincarnée? On ne se l’explique pas.

Jusqu’au 29 mars
Au TNM
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