Marie-Josée Bastien : Le génie du crime
Marie-Josée Bastien dirige Lorraine Côté et Jacques Leblanc dans Richard Trois, d’après la tragédie de Shakespeare. Une relecture moderne et un beau défi pour ce duo d’acteurs.
Depuis quelques années, Lorraine Côté et Jacques Leblanc s’intéressent à Richard III de Shakespeare. Après plusieurs essais de toutes sortes, ils ont finalement décidé de partir du texte original pour concocter une version qu’ils interprètent à deux. "Il s’agit vraiment de l’histoire de Richard III, mais on a beaucoup épuré parce que c’est extrêmement complexe, très long, et qu’il y a énormément de personnages, explique Marie-Josée Bastien. On s’est attardés sur Richard; il veut régner alors il élimine tous ceux qui se dressent entre lui et la couronne." Beaucoup de coupures et des passages conservés tels quels, donc, mais aussi: "Certaines scènes ont été complètement réécrites et il y a des références modernes: téléphone, télé, etc., poursuit-elle. Pour moi, ça se passe dans un futur très proche et postapocalyptique. Je voyais beaucoup l’aristocratie anglaise comme des consanguins, qui ne se renouvellent plus; c’est un monde sur le point de lâcher. Shakespeare permet ce genre de relecture; son écriture est tellement moderne, active. En fait, je crois que j’ai trouvé l’auteur qui me correspond le plus sur le plan de l’énergie. On est toujours dans l’urgence, ça avance sans arrêt et, ça, ça vient me chercher."
Autant dire que les comédiens ne chôment pas, surtout Lorraine Côté, qui joue tous les personnages gravitant autour de Richard. "On a travaillé beaucoup en contrepoints, l’un par rapport à l’autre. On a fait des squelettes très clairs pour qu’elle puisse s’y retrouver et, après, on s’est amusés à les habiller, raconte-t-elle. Pour Richard, on est partis de l’idée qu’il est le plus grand scélérat de tous les temps, mais avec un côté charmeur. Puis, plus ça va, plus il s’enfonce dans ses crimes et devient profondément malsain, irrécupérable." Quant à sa mise en scène, si elle se veut d’abord au service du jeu et du texte, elle n’en propose pas moins une trame parallèle, dont il serait mal venu de révéler les surprises. "C’est le parcours de la volonté de Richard pour accéder au trône, continue-t-elle. Tout le monde vient à lui, comme s’il les convoquait à la manière d’un magicien ou d’un conteur. À la limite, tout part de sa tête. Et je voulais avoir les trois niveaux élisabéthains. Lui est dans son sous-sol, sombre, glauque, très métallique. Il s’agit d’un endroit qui lui ressemble, car il est laid, bossu, comme si toute sa mauvaise conscience resurgissait dans son corps. En haut se trouve la royauté; c’est plus lumineux, ils s’amusent. Tandis que la tour de Londres, je l’ai toujours vue plus bas que lui, ce qui fait qu’on s’enfonce pour aller mourir dans les enfers." L’idée du sous-sol, endroit renfermant quantité d’objets hétéroclites, n’est pas non plus sans lien avec la nature même du texte et de la production qui s’en inspire. "Il s’agit d’une histoire très baroque, avec des scènes extrêmement drôles, suivies de scènes hyper tragiques, observe-t-elle. Et il en va de même pour le décor, les costumes." De sorte que c’est quelque part entre une radio des années 20 et un ordinateur webcam que se disputera cette "grosse partie d’échecs".
Du 18 mars au 12 avril
Au Théâtre de la Bordée
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