Hélène Bourgeois-Leclerc : En équilibre
Scène

Hélène Bourgeois-Leclerc : En équilibre

Hélène Bourgeois-Leclerc retrouve une scène de théâtre après cinq ans d’absence, un retour aux sources qui la comble de bonheur. Au Rideau Vert, Daniel Roussel la dirige dans Construction, la première pièce d’un nouveau venu, Pier-Luc Lasalle.

La dernière fois qu’Hélène Bourgeois-Leclerc a foulé une scène de théâtre, c’était en 2003, chez Duceppe. Sous la supervision de Denis Bouchard, elle incarnait Anne, une trentenaire branchée, dans la création des Noces de tôle de Claude Meunier. Puis, il y a eu la télésérie Annie et ses hommes, le film Aurore et le grand succès des Bougon, des engagements stimulants qui l’ont éloignée du théâtre. Ces jours-ci, la comédienne revient à ses premières amours avec Construction, une comédie dramatique de Pier-Luc Lasalle, jeune diplômé en écriture dramatique de l’École nationale, mise en scène au Rideau Vert par Daniel Roussel.

"J’avais besoin de retourner aux sources, lance-t-elle spontanément. Le théâtre, c’est l’art premier d’un acteur, c’est le médium dont je suis issue. Au cours des dernières années, j’ai eu de très belles propositions au théâtre, mais j’ai fait le choix de les refuser. Je trouvais ça tripant d’être dans le monde de la télé et du cinéma, de me faire une place, d’explorer des zones que je connaissais moins. Il y a environ un an, j’ai eu très envie de revenir au théâtre." Puis, un bel après-midi, le téléphone sonne. "Je n’en revenais pas, explique la comédienne. Tu lances un rêve et il te retombe dans la face. J’étais très contente!" Il y a huit mois déjà que Daniel Roussel a proposé à Hélène Bourgeois-Leclerc le rôle de Lucie, une femme dans la trentaine qui veut être la meilleure et la plus belle, la seule et l’unique. "Daniel me l’a présentée comme une petite madame parfaite, se souvient la comédienne. Puis il a ajouté que c’était surtout quelqu’un qui veut être parfait. On est vraiment partis de là, de l’envie et du besoin d’être parfait. Ça aurait été facile de tomber dans la caricature, mais on n’est pas là-dedans du tout. Il y a une belle humanité. D’ailleurs, à un moment donné ça dérape, le ton change et ce n’est plus vraiment une comédie."

Ainsi, au cours des dernières semaines, la comédienne a renoué avec le plaisir des répétitions. "C’est un petit marathon, explique-t-elle. La pièce dure une heure et demie, ce qui est relativement court, mais on est là, toute la gang, tout le temps. C’est une énergie qu’on doit maintenir du début à la fin, une montée dramatique qu’on doit soutenir. Autrement dit, ça prend un élan, un souffle, qu’on ne retrouve pas à la télé ou au cinéma. C’est dur, mais ça fait beaucoup de bien!" Dans l’aventure, elle semble tout particulièrement apprécier l’approche de son metteur en scène. "On travaille dans le plaisir. On rit beaucoup, mais sans quitter la rigueur. Ce qui est formidable avec Daniel, c’est qu’on ne joue pas sur la psychologie des personnages mais sur leur vérité. Autrement dit, on ne joue pas nécessairement ce qui est écrit. On joue les malaises, les contradictions, les paradoxes, les élans. On trouve de magnifiques nuances."

LE THEATRE DU QUOTIDIEN

Pour aborder le couple, la famille, le confort matériel, les rapports intergénérationnels et l’intermittence du désir, Pier-Luc Lasalle nous présente Lucie (Bourgeois-Leclerc) et Philip (Vincent-Guillaume Otis) au moment où ils s’installent dans leur nouvelle maison de banlieue tout confort. Sous nos yeux, au fil du temps et des rencontres familiales, le couple tente d’atteindre l’équilibre, ce qui n’est pas une chose facile. Les doutes, les regrets, les déceptions et les deuils sont nombreux. Aux yeux des parents de Philip, Marie (Danièle Panneton) et Paul (Roger La Rue), de son frère Thomas (Jean-Moïse Martin) et de sa blonde Anaïs (Caroline Bouchard), Lucie et Philip voudraient paraître immensément heureux, intouchables.

"C’est vraiment une pièce sur qui on est, qui on veut être, qui on veut laisser paraître qu’on est, résume la comédienne. Comme l’indique le titre, il est question de construction, celle de la maison comme celle de l’identité. L’auteur Botho Strauss a dit: "Être, c’est être vu." Je crois que ça colle à la pièce. Au fond, c’est une gang d’égoïstes. Ils agissent tous en fonction de leur petit bonheur." Malgré la noirceur de l’arrière-plan, elle ne considère pas le constat de Lasalle comme pessimiste. "Ce n’est pas une pièce qui dénonce. Cela dit, elle risque de brasser parce qu’elle va loin d’un point de vue émotif. On assume pleinement la dégringolade et le désarroi, notamment en ce qui concerne Lucie. En ce sens, je trouve que c’est une pièce réaliste, et non pessimiste. Tout ce que je peux dire, c’est que la fin est très ouverte."

Son personnage n’est pas un ange, mais Bourgeois-Leclerc a tout de même de la tendresse pour elle. "Lucie pourrait être perçue comme une bitch manipulatrice, mais on n’a pas voulu emprunter cette voie. On s’est donné comme mandat de rendre tous les personnages aimables. En quête de perfection, Lucie planifie tout. Elle compose très mal avec l’imprévu. Évidemment, comme la vie est une série d’imprévus, ça ne fonctionne pas comme elle voudrait. Cela dit, elle est très volontaire, particulièrement candide. Il n’y a pas de méchanceté ou d’esprit de compétition chez elle. C’est toujours elle par rapport à elle."

Ainsi, Lucie est obsédée par la fermeté de ses seins, la beauté de son intérieur, la légèreté de ses bâtons de golf, le goût de sa sangria… Selon la principale intéressée, des filles comme Lucie, on en connaît tous. "On a toutes un peu ce côté-là, les filles dans la trentaine. Je ne m’en glorifie pas du tout, mais moi aussi j’ai un côté de Lucie. Je veux être bien, que les choses se passent bien, que tout le monde soit content, être belle le plus longtemps possible… En fait, on veut trouver des solutions aux problèmes avant même que les problèmes surgissent."

Du 25 mars au 19 avril
Au Théâtre du Rideau Vert
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PIER-LUC LASALLE

Diplômé du programme d’écriture dramatique de l’École nationale de théâtre (ÉNT) en 2006, Pier-Luc Lasalle a écrit plusieurs pièces au cours de sa formation. Mentionnons L’Anatomie du chien, La Croisée des chemins (un texte destiné aux 5-6 ans que l’on pourra découvrir dans une mise en scène de Louis-Dominique Lavigne lors du prochain Festival Petits Bonheurs), Foreman et, bien entendu, Construction, un texte créé en 2006, comme le veut la coutume avec des étudiants en interprétation de l’ÉNT, dans une mise en scène, déjà, de Daniel Roussel. Hélène Bourgeois-Leclerc avoue qu’elle est impressionnée par la partition de Lasalle. "Le texte est vraiment bon. Je n’arrive pas à croire que c’est un petit gars de 26 ans qui a écrit ça. Même qu’il avait 24 ans au moment où il a commencé à y travailler. C’est formidable. Il doit avoir une famille bien inspirante!" Les influences du jeune dramaturge sont indéniables. On pense au théâtre de François Archambault, de Serge Boucher, et surtout à celui de Claude Meunier. "Dès la première lecture, j’ai constaté les correspondances avec l’univers de Meunier. Ce n’est pas du tout du copier-coller, mais il y a une sorte d’essence, un héritage. Ça réside peut-être dans le malaise. Il n’y a pas d’ironie, pas d’amertume, pas de cynisme. Il y a plutôt une candeur dans cette écriture. Chez l’un comme chez l’autre, ce n’est pas parce qu’on rit que c’est drôle."

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DU COTE DU 7E ART

Hélène Bourgeois-Leclerc revient au théâtre, mais elle a toujours de beaux projets au cinéma. Elle est tout d’abord du premier film de Claude Meunier, Le Grand Départ, sur les écrans l’hiver prochain. C’est l’histoire d’un médecin (Marc Messier) laissant sa femme et ses deux enfants pour Nathalie, une femme de 25 ans sa cadette. "On reconnaît Meunier, affirme celle qui incarne la jeune femme en question. Il y a des touches d’absurde et d’humour, mais c’est un univers complètement différent de ce qu’il fait ordinairement. C’est carrément un film d’amour! Un film sur le changement, sur la manière dont on accomplit un nouveau départ." Dans un tout autre registre, Bourgeois-Leclerc figurera au générique du 12e long métrage de Marc-André Forcier avec, entre autres, Rémy Girard, Roy Dupuis, Céline Bonnier et France Castel. Il s’agit d’un drame familial qui se déroule en Abitibi pendant les années 40 et 50. Il est question de l’implantation d’un syndicat chez les mineurs. "Travailler avec Forcier, affirme la comédienne, c’est toute une expérience! Il grogne tout le long, mais tu fais ta job, il fait la sienne, et ça finit par faire un film. Cela dit, le scénario est très beau. C’est très fantaisiste et poétique."