Mario Borges : Combler l’absence
En alliant deux textes de Cocteau, Mario Borges organise une Rencontre avec le bel indifférent contemporaine, intime et épurée.
C’est Roxanne Bourdages, la tête pleine d’idées et d’audace, qui a fondé la compagnie De fil en aiguille. Chargée des textes de Jean Cocteau, elle approche le metteur en scène Mario Borges, et ils se lancent ensemble dans ce qui deviendra Rencontre avec le bel indifférent. Résultat d’une adaptation de deux des quatre textes proposés – Le Menteur et Le Bel indifférent -, la pièce nous présente une femme qui raconte à son amour absent les choses qu’elle aurait voulu lui dire. Et l’homme, incapable de lui répondre, ne peut qu’adresser au public les pensées qu’il lui destine.
Originellement écrit pour une seule personne, en l’occurrence Édith Piaf, Le Bel indifférent fait l’apologie de la souffrance d’aimer. Or, Borges ne l’entend pas ainsi. "Il y a beaucoup trop de complaisance, aujourd’hui. Ça ne m’intéressait pas de montrer une victime qui chiale pendant une heure. Ça m’inspirait dans la mesure où je pouvais en faire quelque chose de moderne: une femme forte qui grandit de sa douleur." Et puisque les relations ne se construisent pas seules, le Bel indifférent monte sur les planches en la personne de Maxime Allard, et s’approprie les mots du Menteur.
Parce que si dans la version originale l’indifférent est muet, la version contemporaine désire montrer le couple comme on le perçoit aujourd’hui: deux êtres distincts évoluant côte à côte. Pour s’affirmer comme individu, l’homme avait donc besoin d’une parole. Très intime, la pièce bénéficie de l’ambiance particulière de la Balustrade du Monument-National pour installer son univers. Alors que les événements ont lieu en majorité dans une salle de bains immaculée, dans un appartement au coeur de la métropole, les personnages sont à la fois volontairement isolés et pris au piège. "Ils ne peuvent pas s’y cacher, explique Borges. On va au départ dans une salle de bains pour se soustraire au monde, mais quand tout à coup ils s’y retrouvent à deux, il s’instaure une intimité envahissante, impossible à fuir." Dans sa façon très précise, presque cinématographique d’aborder la scène, Borges guide ses acteurs vers un jeu simple et dépouillé, qui permet de construire le sens en mettant l’accent sur des éléments fondamentaux: "un minimum d’effort pour un maximum d’efficacité."
Si la facture visuelle d’ensemble est d’une importance capitale, elle n’est cependant qu’une extension du texte, car pour Borges les mots sont l’épine dorsale de ses mises en scène. "Le reste, c’est donner une lecture assez limpide pour pouvoir laisser les mots prendre l’avantage, pour leur permettre de résonner." On peut donc s’attendre à une imagerie puissante, une représentation guidée par un jeu précis et évocateur, toute la conviction dont sont capables de jeunes acteurs.
Jusqu’au 5 avril
À la Balustrade du Monument-National
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